Contrat

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Le chemin du retour fut compliqué pour le jeune Kaï, tant sa journée à la mine avait été longue et épuisante. L'environnement hostile lui avait laissé ses muscles endoloris et un esprit las. Ses mains, couvertes d'ampoules, adoptaient encore une position rétractée qui témoignait des efforts qu'elles avaient subies en agrippant la tête de pioche. Il quittait le sombre labyrinthe des galeries en remontant le chemin précédent, celui qui en plus d'être étroit, longeait la paroi et le menaçait de tomber dans le précipice à chacun de ses pas. Durant son ascension, il se fit doubler par quelques nouveaux collègues. Ceux qui ne se limitaient pas qu'à le toiser de regards dédaigneux passaient à côté de lui sans précaution. L'équilibre précaire du jeune homme était alors déstabilisé par ce manque d'attention et lui donna des sueurs froides lorsqu'il manqua de glisser, à plusieurs reprises.

Arrivé au sommet, il s'attendait presque à revoir le cyborg qui l'avait bloqué deux rotations plus tôt. L'homme qui l'avait sorti du pétrin n'était pas là et Kaï appréhenda cette rencontre. Pourtant, en un regard qui détailla le passage avec précision, il ne vit pas le sujet de ses inquiétudes. Seulement un homme à l'âge avancé, habillé d'une capuche en toile de jute, appuyé sur une canne si tordue qu'on aurait pu se demander qui de la canne ou du propriétaire soutenait l'autre. Comme il se trouvait au niveau de la sortie, il avança en sa direction.

À son approche, l'homme arqua un sourcil aussi grisonnant que ses cheveux secs. Il leva sa canne et en cogna l'extrémité sur le mur qui lui faisait face, bloquant le passage. Le choc du geste fit vibrer le bâton de bois qui révéla en son sein, des creux d'où s'échappèrent une intense lumière violette. Un bruit de moteur au démarrage se fit entendre depuis les trous du bois, avant de s'étouffer aussi sec.

"Eh bien, comment ça s'est passé aujourd'hui ? demanda-t-il d'une voix rauque."

Kaï baissa les yeux, évitant le regard du contremaître. Il n'était peut-être pas intimidant au premier abord, mais sa canne semblait être un produit technologique et il n'avait pas envie d'en découvrir le potentiel. En d'autres circonstances, si son corps avait été en état... il aurait peut-être été moins docile, mais ce n'était pas le cas. Il se contenta d'une réponse maladroite :

"Ce... Ce n'était pas facile, monsieur. Je suis nouveau ici et je..."

"Je ne veux pas d'excuses ! Tu es ici pour travailler et être productif, c'est tout ! l'interrompit le contremaître d'un ton sévère. La mine n'est pas un refuge à fainéants ! si tu y descends, c'est pour m'enrichir. Si tu ne sais pas m'être utile, quelqu'un d'autre pourra l'être pour toi."

Kaï hocha la tête, comprenant bien les enjeux de sa présence. Comme il ne disait mot, le petit vieux glissa sa canne dans la direction de Kaï, ce qui eut pour effet de la disloquer au niveau des creux lumineux. Mais plutôt que tomber à terre, chaque fragment resta attaché au précédent par un fil lumineux qui les reliait désormais. Elle n'était pas déjà toute droite avant, mais elle ressemblait davantage à un nunchaku à plusieurs branches maintenant qu'il avait activé son arme technologique. Cette dernière vint s'enrouler autour de la gorge du jeune homme, le contraignant dans la foulée à ployer le genou. L'homme avec un rictus plongea sa main libre dans la poche et en sortit un petit outil que son adversaire ne reconnut que trop bien. D'apparence, on pouvait confondre l'objet avec un couteau à cran d'arrêt. Pourtant, lors de son ouverture, ce n'est pas une lame en métal qui en sortait, mais plutôt une fine tige de laquelle se formait un arc électrique en direction de la base du couteau.

Le vieillard tira sur l'extrémité de son bâton pour attirer le jeune homme vers lui.

"On va passer un contrat tous les deux. Chaque rotation que tu passeras en bas et pour laquelle tu ne m'auras rien apporté te vaudra un doigt. Tranchés vifs, ils comporteront assez de sang pour limiter les pertes qu'engage ta présence. Pas de minerai, un doigt pour moi."

Prosper : La fin n'est qu'un débutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant