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Svetlana Belov

Un calme absolu règne dans la salle. L'arène est plongée dans le noir. Le bar est éteint. Les sièges sont désertés. Assise sur l'une des chaises non rangées, je regarde Castilla conclure un dernier accord d'une poignée de main. Un sourire aux coins des lèvres, il échange les derniers billets de la soirée dans une sérénité complète, riant à une remarque de l'homme en face de lui. Les effluves des combats passés imprègnent l'atmosphère, se mélangent à l'odeur de l'alcool et de tabac froid.

La fatigue est présente sur mes épaules. Pesante mais apaisante, elle libère mon esprit avec force. Planant encore avec l'euphorie, la lumière jaune m'agresse les yeux. Bloquée par une force trop puissante et par l'exténuation, le monde m'apparaît à l'envers. Le corps lourd, les jambes surélevées, je me laisse guider par l'indifférence la plus complète.

Le mégot tombe alors que je lutte pour garder les yeux ouverts. N'ayant pas envie de quitter cette légèreté acquise, je contemple ce qu'il y a autour de moi à travers un voile.

Les dernières heures se rappellent à moi en flash. Les cris de joie. Les hurlements. Les acclamations. Les sifflets. Tous fusionnent et ne forment plus qu'un unique souvenir indélébile. L'alcool. La magnésie. Les cigarettes. L'herbe. C'est la fragrance spécifique de ses grandes soirées d'insouciance et de provocation.

Il ne reste plus que ces souvenirs et moi. Le monde extérieur n'est plus qu'un mirage, un monde illusoire lointain. Les ennuis disparaissent de la même manière que les éléments indésirables. Je retrouve enfin cette liberté de l'âme éteinte depuis plusieurs semaines, depuis mon dernier combat.

Elle ne sert pas à grand-chose, placée comme elle est.

Je relève la tête, l'apercevant à mes pieds. Le poids sur ma cheville s'envole, et un souffle de bonheur s'échappe de mes lèvres. La poche de glace dans ses mains, il me dévisage pendant de longues secondes avant de baisser les yeux vers celle-ci. Encore rouge à cause du froid, elle n'est cependant pas aussi blessée qu'on le croyait. Mais, trop bien installée pour songer à bouger, je n'enlève pas les pieds de la chaise.

Tu as encore mal?

Je hoche la tête négativement, bien qu'elle soit encore légèrement douloureuse. L'euphorie diminue mais, presque comme après toutes les bonnes soirées, je n'ai pas envie qu'elle redescende. Castilla continue de me contempler silencieusement, avec sûrement sa dernière cigarette de la soirée dans les mains, tandis que je me replace confortablement.

Pourquoi tu ne m'en as pas informé plus tôt? Je lui demande soudainement.

Ses sourcils se froncent plus que nécessaire pendant que je retourne à mon admiration pour le plafond blanc. Les dernières lumières s'éteignent et nous restons à deux, dans une salle vide, seulement éclairée par les veilleuses.

C'est un bonheur limité mais un bonheur intense. Un moment inégalable, néanmoins rare. Dans une paix sereine, je me laisse transporter par le temps. C'est ce genre de bonheur qui fait voyager l'esprit et fait perdre la raison. C'est ce bonheur qui fait sourire alors que rien ne s'y prête.

J'entends Castilla s'installer à ma droite dans un bruit ambiant. Tout ne devient qu'un fond sonore trop faible pour me sortir de cette exaltation. Je souffre mais je suis en paix. Comme si la douleur n'était plus qu'une extension de moi, une part qui s'est révélée brusquement et qui n'a pas voulu se rendormir.

Parce que je sais ce qui peut te faire réagir, avoue-t-il. Et ce qui pouvait te faire gagner le combat.

Sa main passe sur ma joue délicatement, tel le toucher d'une plume, avant qu'il ne remonte sur la pommette sensible. M'échappant de son contact, je vois sa main pendre en l'air et son regard analyser mon œil virant au noir.

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 26, 2023 ⏰

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Revenge - Tome ⅠⅠOù les histoires vivent. Découvrez maintenant