1. L'Enfant aux yeux de Lumière

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Je n'arrive pas à m'habituer au plafond de ma nouvelle chambre. Ça fait pourtant trois semaines maintenant que nous avons emménagé dans la nouvelle maison. Malgré mes -maigres- efforts, rien n'y fait. Et ça me dérange plus que ça ne le devrait. Mon manque d'implication est le cœur même du problème. J'en suis conscient mais je compte encore rejeter la faute sur les trente-six autres raisons que j'ai réussi à trouver depuis que j'ai posé le pied ici. Toutes les épuiser jusque la dernière avant de me remettre en question me paraît être une bonne chose. 


Gagner du temps en le perdant, ça aussi c'est une question de point de vue.


Pour une raison que j'ignore, je fais une fixette sur les quatre coins réservés rien qu'à moi et où les cartons traînent encore par endroit par pure flemme de ranger. Comme si l'espoir de retourner à mon ancienne vie en un claquement de doigts était possible. Je m'accroche à deux mains à cette idée, l'illusion est douce puis amère. Elle file entre mes doigts comme du sable brûlant et laisse un goût désagréable contre mon palais. 


Ma chambre est un désordre ordonné. Il y a des cartons que je n'ai pas même pris le temps d'ouvrir, des vêtements qui forment des pyramides colorées de manière aléatoire sur le parquet -il faut se faufiler entre elles pour atteindre mon lit- et des babioles dont je ne me souvenais même plus, disposées comme des bombes à retardement un peu partout.


Ma mère voit ça comme un vieux jeu vidéo auquel elle jouait plus jeune, appelé « Le Démineur ». Bien que j'ai pris ça comme une insulte, je me suis quand même intéressé un minimum pour comprendre le véritable fond de la référence. Et si, oui ou non, ça vaut vraiment la peine d'en rire.


Le Démineur est un jeu de réflexion qui consiste à localiser des mines cachées dans une grille qui représente un champ de mines virtuel.


D'accord, je l'avoue : j'ai trouvé la comparaison plutôt drôle mais je ne lui ai pas dit. 


J'ai préféré bouder comme l'adolescent que je suis. 


Parce que rire lui donnerait automatiquement raison. 


Et je suis toujours fâché d'avoir quitté Séoul.


Ma chambre est un rude bordel. J'ajoute sans cesse le « ordonné » comme un disque rayé. Ma mère n'y voit aucune nuance. Mon père, lui, saisi la subtilité. Même si je sais qu'il prétend aveuglément me suivre pour sauver le peu d'honneur qu'il me reste.


Revenons au fameux plafond qui m'empêche de fermer l'œil. Oui, ça aussi c'est une énième raison de vouloir retrouver Séoul. Mon esprit critique est éveillé à son maximum. Je trouve des défauts partout en un temps record. 


Je suis détestable et je m'en fiche. 


J'ai le droit. 


À vrai dire, il n'est pas si différent de l'ancien, ce plafond. Peut-être un peu plus en hauteur, plus large aussi. Il est coloré d'un blanc cassé qui m'embête et chatouille un recoin de mon cerveau de la mauvaise manière. Les nuances de jaune sont trop présentes et je trouve qu'elles donnent à la pièce, un air triste et malade. Là encore, ma mère n'y voit aucune nuance. Mon père, lui, saisi la subtilité. Même si je sais qu'il prétend aveuglément me suivre pour sauver le peu d'honneur qu'il me reste.

Hymn of HopeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant