SECONDE CHANCE : Un homme, deux âges, une vie à refaire

J'ai 12 ans !

« C'est impossible ! » dit Eric tout haut sans s'en rendre compte. « C'est moi ! »

C'est effectivement bien Eric qui se trouve devant la glace mais avec trente ans de moins. Le vertige le prend tout d'un coup. Il est obligé de se tenir au lavabo pour ne pas tomber. Après quelques longues secondes, il ouvre le robinet, se mouille les mains et se frotte ensuite vigoureusement le visage. La fraicheur de ses mains mouillées lui fit un grand bien. Son cerveau se remit en marche. Après avoir accepté l'inacceptable, son cerveau se mit à calculer plus vite que les serveurs de la NASA. Que faire de cette situation ? Ça c'est la problématique de départ de tous ces calculs. On oublie pour le moment la raison qui fait qu'il est dans cet état pour se pencher plutôt sur ce que cela peut apporter. La première chose positive qui vient à Eric, c'est qu'il a des beaux cheveux blond et fin. Il passe sa main d'enfant dans cette tignasse et les mèches glissent entre ses doigts. Par contre, c'est vraiment naze cette coupe au bol soupire-t-il. A la manière d'un envoyé spécial, il se pose la question suivante : « A l'heure actuelle des choses, que savons-nous ? ». Nous savons qu'il se trouve dans son corps de douze ans. Nous savons qu'il se trouve dans sa maison d'enfance. Nous savons, au vu de la décoration vintage de sa chambre, que c'est bien sa chambre de l'époque. Nous savons qu'il a gardé son cerveau de trente-neuf ans. Le résultat logique de ces faits est qu'il a été propulsé dans son passé d'une manière inconnue. Il ne se souvient pas être monté dans une Delorean. Il ne souvient pas avoir transmuté comme dans la série Code Quantum.

Son rythme cardiaque étant revenu à la normale, son cerveau refonctionnant à une vitesse normale, Eric décide de revenir en silence dans sa chambre. En silence car il ne sait pas qui est présent dans la maison. Il va utiliser le temps qui lui reste avant le réveil des occupants pour réfléchir à la suite à donner aux évènements. En refermant la porte de sa chambre et après avoir allumé la grande lumière de la pièce, il ne peut pas s'empêcher de sourire en regardant toutes ses affaires oubliées, tous ces souvenirs aujourd'hui devant ses yeux. Il fait le tour de la pièce en caressant chaque objet posé sur les meubles. Il commence par un gros camion pick-up bleu avec une grosse moto à l'arrière. Il se souvient que c'était son frère qui lui avait offert et avait fini par l'offrir à une association dans le cadre scolaire qui envoyait des jouets en Afrique. Il avait choisi de donner ce camion car c'était son jouet préféré sentimentalement et ils avaient dit à l'école qu'il fallait donner quelque chose auquel on tient mais il avait regretté ce geste par la suite. Le revoir et le toucher lui fait presque couler une larme mais il avait déjà fait son deuil et il avait grandi...enfin bref. Ensuite il passe vite au-dessus des deux caisses de Lego et de Playmobil. Il s'approche de son bureau sur lequel il retrouve son premier walkman qui n'était pas auto-reverse. Machinalement il l'ouvre pour regarder la cassette à l'intérieur. C'était la cassette de Murray Head que sa sœur lui avait offerte en lui disant que s'il n'aimait pas maintenant, il aimerait plus tard mais il avait accroché direct. Sur le mur juste au-dessus du bureau, des photos de lui et de ses frères et sœurs sont punaisées. Mais en regardant sur le bureau, Eric voit un agenda, une trousse, des cahiers et des livres qui lui enlèvent le sourire instantanément. Son cerveau le gifle en lui faisant réaliser qu'il va devoir retourner à l'école...au collège précisément. Il ouvre l'agenda à la page des données personnelles pour trouver la classe dans laquelle il est : cinquième blanche. Il laisse cette angoisse pour plus tard et remarque son trousseau de clé sur le bureau, ou plutôt il redécouvre son porte-clés qui est une balle de golf jaune avec un énorme smiley dessus. Ce n'est pas pratique dans la poche mais il adorait ce porte-clés et de toute façon il le mettait dans son cartable.

Finalement Eric s'assoit sur son lit et se met à réfléchir sur le plus urgent. Que faire quand tout le monde va se lever dans la maison ? Impossible de savoir quel jour de la semaine on est car le réveil ne donne que l'heure. Eric se souvient qu'il avait une montre Casio numérique. Normalement la date s'affiche. Eric balaie la chambre du regard mais rien. Alors qu'il commence à entamer des fouilles approfondies, il retrouve rapidement la montre dans le tiroir de la table de nuit. En appuyant sur un des boutons latéraux, la date s'affiche comme ceci : 18 11. Le jour de son anniversaire, cela est donc cohérent avec ce qu'il a en mémoire. Il s'était endormi hier soir la veille de son anniversaire, la veille de ses quarante ans. Le jour et le mois sont donc cohérents mais pas l'année visiblement. Bref, cela ne lui dit pas quel jour de la semaine il se trouve. Il se précipite vers son agenda scolaire, tourne les pages jusqu'au 18 novembre et tombe sur un mercredi. Après une courte pause, il revient au début de l'agenda pour essayer de connaitre l'année. Et c'est sur la couverture qu'il voit ces quatre chiffres fatidiques : 1989. Et voilà se dit-il, j'ai douze ans aujourd'hui, bon anniversaire mon petit. Et merde.

Eric se mit aussitôt à la recherche d'un éventuel emploi du temps pour savoir s'il a court le mercredi et si oui des courts de quelle matière. Il finit par le trouver collé dans l'agenda et vit bien quatre heures de court le mercredi de huit heures à midi. Il commence par deux heures de français suivis par une heure d'anglais et une heure d'histoire. Bien, il remarque que son cartable était déjà prêt avec les manuels correspondant déjà à l'intérieur. Cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas fait ce rituel de préparation d'affaires pour l'école. Ça lui fait tout bizarre. C'est à ce moment précis qu'Éric entend du bruit à l'étage du dessous. Ne voulant repousser l'inéluctable, Eric se décide à descendre pour aller à la rencontre des membres de sa famille.