Nuit

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1970, une nuit d'août, Londres...

Un jeune garçon se frottait les yeux dans son grand lit à baldaquin. Il tourna la tête vers la porte fermée de sa chambre, un peu encore ensommeillé. Il entendait les voix de ses parents. L'adolescent avait déjà l'habitude des voix graves et souvent en colère de ses parents, mais cette fois, la voix de sa mère était suppliante. Curieux, il se glissa hors de son lit et s'approcha de sa porte en faisant attention de ne faire aucun bruit. Il se colla à sa porte et l'entrouvrit avec prudence. Il jeta un coup d'œil et sentit son cœur se serrer en voyant ses parents devant la chambre de son plus jeune frère.

-... que ça peut se déclencher plus tard, disait sa mère qu'il voyait de dos. Il n'a pas dix ans ! Attends deux ans... Orion... s'il te plaît...

- Entre ça et Sirius, j'ai assez attendu ! Je ne ferais pas la même erreur que pour ton oncle, le Cracmol ! Répondit alors son père. Je ferais ce que nous avons toujours fait pour... pour ce genre de cas...

L'adolescent serrait ses poings, sentant la colère en lui. Le « cas » était son frère, son plus petit frère d'à peine sept ans. Déjà à sa naissance, leur mère avait marqué la différence entre le petit dernier et les deux autres : son prénom ne serait pas celui d'une étoile, ou d'une constellation. Après tout, le troisième fils avait été une surprise pour toute la famille, un cadeau inespéré même, venant comme un conquérant. Et pourtant il était prédestiné à ne rien espérer, à servir les deux aînés. Pire, malgré l'espoir de sa mère, après deux ans à attendre, il n'avait pas le don commun de tous les membres de sa famille : la magie. Il n'avait jamais montré le moindre pouvoir. C'était la honte sur toute la famille et ce soir là, le père avait décidé de suivre la tradition et de ne montrer aucune faiblesse.

Ainsi, le père de famille ouvrit la porte de la chambre de son troisième fils malgré les gémissements de son épouse qui voulait garder l'espoir que son dernier enfant finisse par faire de la magie. C'était décidé pourtant. Sans ménagement, avec violence, l'aîné voyait son père tirer son petit frère qui était hagard, dans l'incompréhension totale.

- Maman...?

La voix du deuxième fils retentit alors.

- Par Serpentard ! S'énerva le père. Occupes toi de ton fils. Je m'occupe de ça !

Il tira sèchement sur le bras du plus petit de la fratrie. Et alors le plus grand jaillit de sa chambre et se mit devant son père, redressant le menton.

- Qu'est-ce que tu fais, toi !? Vas te recoucher !

- Non ! Où tu emmènes Ominus !?

- Ça ne te regarde pas ! Retourne te coucher immédiatement !

- Ne parle pas comme ça à ton fils ! Hurla alors la mère en sortant de la chambre de son deuxième enfant.

Tiré par le bras, le plus petit, Ominus ne gémissait pas, ne pleurait pas. Il fixait son père, puis son frère et enfin sa mère avant de se retourner à nouveau vers son père. Il gardait la tête haute, comme on lui avait appris, malgré le réveil brutal en pleine nuit. Il fallait dire qu'il était malheureusement habitué à la maltraitance de son père depuis ses cinq ans. Il était rare par contre d'être extrait de sa chambre, lui, le tabou, le mauvais fils, la honte... Celui au prénom qui ne rappelait pas le reste de la famille, comme si c'était prédit qu'il serait un cas particulier, une erreur dans l'arbre généalogique.

Son père écarta l'aîné qui se réfugia alors dans les bras de sa mère, en état de choc.

Cette nuit là, la famille entière fut bousculée, vivant un événement majeur. Le père emmena son dernier fils, malgré les faibles protestations de son épouse et les cris de rage de son aîné, puis les pleurs du deuxième, et enfin, le silence résigné du petit dernier.

Le dernier Où les histoires vivent. Découvrez maintenant