En début de soirée, lorsque le temps n'était pas trop morose, j'avais pris l'habitude de partir courir ou même marcher le long des sentiers de la montagne. Il y faisait doux et nombreux sont ceux qui m'avaient vanté les bienfaits de la course à pied et combien pratiquer pouvait améliorer ma qualité de vie. Je le faisais, c'est tout, pour ne pas inquiéter mon entourage et prouver que je cherchais à m'en sortir. J'activai mes écouteurs et lançai une quelconque playlist prétendant apaiser et aider à la concentration. Je m'élançai et entamai le premier quart de mon parcours tout en essayant de fuir à toutes ces idées noires et à ces mauvaises ondes qui m'accompagnait chaque seconde de chaque minute toutes les heures qui s'écoulaient dans une simple journée. Je ne prenais pas la fuite, je tournais simplement la page sur tous les non-dits peu recommandables que j'avais une fois de plus enfoui au plus profond de mon être, que j'avais de nouveau dissimulé pour éviter de ne jamais revoir l'expression que maman avait affiché sur son visage quand la psychologue employa un mot qu'elle n'avait jusqu'à maintenant jamais pris en compte : « Trouble psychologique ». Aux grands mots, les grands remèdes n'est-ce pas ?
Je distinguais bientôt les nappes enneigées des premières corniches. Le paysage était somptueux. Les tombées de neiges étaient éclairées par les lampadaires du petit village situé plus bas, dans la vallée. Je m'arrêtai dans ma course effrénée, pris le temps de respirer abondamment cet air vivifiant, malgré ma gorge déshydratée. Je tendis une main et l'élevai à quelques dizaines de centimètres au-dessus de ma tête. Un flacon de neige tomba, se logea au creux de ma main, fondit et fuma ainsi que l'eau dans laquelle on plonge un fer rouge. La brume envahissait bientôt les gigantesques friches et sommets de la plaine. Je posai mon regard sur l'horizon rouge, tracé au loin : à travers les couches de neige et un premier aperçu d'une éventuelle averse, des nuages blancs mêlées d'un rouge tendre s'entrechoquaient au loin. À mon sens, le soleil se couchait vers un nouveau chapitre de notre vie et je crois que malgré le sens dans lequel tourne cette société moderne, jamais une œuvre de la nature n'aura été autant admiré par l'œil humain.
— Il y a quelqu'un. S'il vous plaît, qui que vous soyez, j'ai besoin d'aide !
La zone vers laquelle je semblais avoir entendu cette voix implorante, n'était pas stable en cette période de l'année. Je ne pouvais me risquer à aller à l'encontre de cet individu. Cela pouvait provenir de n'importe qui, et en début de soirée ? Quelle étrange situation ! Pourtant le ton de sa voix semblait plus implorant que provocateur. Prenant mon courage à deux mains, j'ouvris mon sac à dos et allumai soigneusement ma lampe torche. À la lueur de ma lampe, je découvris un homme, d'une trentaine d'années, couché ici-bas sur une épaisse couche de poudreuse. Sa veste était en lambeaux. Je l'observais, sa main portée vers le rayon puissant de la lampe, les yeux légèrement plissés. J'en réduisis l'intensité et m'approchai prudemment. Il sanglotait, ses bras frêles tremblaient et ses cheveux étaient figés dans le temps. Une trace dans la neige menait au pied du pin, auprès duquel le voyageur avait cherché un peu de chaleur.
Des larmes séchées brillaient le long de ses joues. La détresse se lisait dans ses yeux. Je m'approchai et constatai l'ampleur de la catastrophe : des coulées de sang frais faisaient contraste à la pureté du blanc des nappes enneigées, au niveau de sa nuque et son visage était taillé par de fines écorchures le long de ses joues ainsi que sous les poches des yeux. Son corps, bien qu'habillé d'une épaisse combinaison d'hiver, devait être couvert de bleus. Je baissai la tête : des rochers et des ronces avaient dû entraver sa chute.
— Monsieur ? Est-ce que vous m'entendez ?
Les traits de son visage s'épaissirent, ses muscles se relâchaient progressivement. Sa mâchoire crispée dévoilait la blancheur de ses dents. Les yeux grands ouverts et cerveau en alerte, je cherchais un moyen de l'aider.
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Perdre le contrôle
FantasyJe n'aime pas les étiquettes. Mais lorsqu'un jour, un mot dont je n'avais encore que très peu entendu parlé, s'affiche surligné en rouge sur mon dossier médical, ma vision des choses sembla complétement irréaliste. "Se sentir bien", si seulement. J...