Jeux d'enfants

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Je ris, et ris, et ris encore. Je cours dans la prairie et voie au loin mon ami, couché à même le sol, dans les herbes vertes qui l'entourent.

Je m'avance lentement de lui, de sorte qu'il ne m'entende point arriver. J'espère ainsi le surprendre.

Ces bras sont tendus, il regarde avec attention un livre que je devine lui avoir été offert par son père. Cela fait deux ans que nous nous connaissons, je joue avec lui presque toutes les semaines, je ris et m'évade pendant presque deux à trois heures avec lui, sans que quiconque le sache. Il est mon souffle, mon espoir et mon avenir, je me voie grandir à ses côtés, je me vois vieillir et voyager avec lui. Partout où nous irons, nous serons ensemble. Un sentiment de possessivité s'est peu à peu emparé de moi, jamais je n'ai été aussi proche de quelqu'un, même avec ma petite sœur.

Tandis que je me sens assez proche, je me couche sur le sol, ventre contre celui-ci, et rampe lentement afin que ma tête puisse s'incorporer entre sa tête et son livre.

— Coucou. Dis-je, une fois qu'il m'a vu.

Ma tête est à quelques centimètres de la sienne, après un petit sursaut, il sourit largement et me salut en rigolant. Il pose doucement son livre, puis se relève, immédiatement accompagné par moi. Nous sommes à présent face à face, assis tous deux sur l'herbe fraiche.

— Je ne t'avais pas entendu. Sa voix mélodieuse gonfle mon cœur.

— C'était fait exprès. Je suis ravi de t'avoir surpris.

Ces yeux sont pétillants.

— Je ne savais pas si j'allais te revoir, à cause de la semaine dernière. Me dit-il du bout des lèvres.

Je me sens coupable, j'aurais voulu le voir, mais mes obligations familiales m'en ont empêché.

— Je suis désolé. Ces trois mots sont les seuls que j'ai pu prononcer. J'ai une boule dans la gorge à l'idée que je l'ai fait attendre ici, seul, ou même pire, que je l'ai blessé.

— Ce n'est rien, ne t'inquiète pas. Me rassure-t-il, sa main caressant innocemment mon bras. Ce n'est pas grave, de toute façon, demain revient mon père. D'après sa dernière lettre, il a une surprise pour moi. Je suis très heureux et impatient.

— Vraiment, je suis heureux pour toi.

Il acquiesce puis regarde son livre.

— Pourquoi n'étais-tu pas là ? Je veux dire, tu étais malade ? Sa voix est timide, voire fragile à mes oreilles.

Un faible choc m'anime à ces questions, son inquiétude est visible.

— Non, j'avais... J'avais des obligations. Nous ne nous regardons pas dans les yeux, évitant ceux de notre interlocuteur le plus possible.

Je le vois acquiescer faiblement

Je ne suis pas très loquace sur ma famille, et il le sait. Je pense toutefois qu'il s'imagine le pire au sujet de celle-ci. Je ne veux pas lui en parler, non pas que je suis malheureux avec eux, au contraire, elle me transmet tout l'amour dont j'ai besoin. J'espère simplement qu'il ne saura que le plus tard possible ma position, voulant rester un jeune homme égal à lui, à ces yeux.

— De quoi parle ton livre ? lui demandai-je, curieux, voulant détourner la conversation.

Depuis un moment, j'ai remarqué qu'il caresse sa couverture.

— Oh, c'est un livre sur l'esclavagisme. Il est un peu compliqué à comprendre.

— Cela t'intéresse ? Mes sourcils sont froncés.

Bonus de la nouvelle.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant