Chapitre 1

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— Non pas maintenant !

Je donne un coup de poing contre le volant avec colère, me blessant le poignet au passage. Ma voiture refuse de démarrer.

C'est embêtant, car je n'ai absolument pas le droit d'être en retard à ce rendez-vous. Jurant entre mes dents, je tente de tourner la clé à plusieurs reprises. Le moteur émet un vrombissement, mais s'arrête subitement. Fichue bagnole ! Je me retiens de ne pas hurler de frustration.

— Comment je fais ?

Le directeur de l'entreprise où je travaille m'attend pour une réunion importante, qui doit avoir lieu dans exactement vingt minutes. C'est le temps que je mets pour m'y rendre. Je n'ai aucune idée de quoi il veut me parler, sans doute d'une nouvelle mission. La dernière que j'ai accomplie s'est terminée avec une victoire dont je suis particulièrement fière.

Je dois prendre un taxi.

Tout de suite.

J'agrippe mon sac à main à la volée et quitte ma vieille Chevrolet grise. La pauvre est allée jusqu'au bout, désormais il va falloir que je me trouve un autre moyen de locomotion. Je claque la portière et pose mes doigts sur le toit de la voiture, le contact froid du métal me fait frissonner.

À pas de géant, je sors.

Un chaleureux soleil m'accueille, réchauffant ma peau. Le ciel est aussi beau qu'un océan.

Je loge à New York, dans un petit appartement du centre-ville. Il me coûte un bras chaque mois, sûrement à cause du grand garage dont j'ai besoin pour stocker mon armurerie. Mais bon, mon travail est bien payé alors je peux me le permettre.

En me frayant un chemin parmi les nombreux habitants, je tente de remettre en place ma coiffure. Mes cheveux bruns s'éparpillent sur mes épaules dans un désordre absolu. Je vais arranger ça.

Typiques de la ville de New York, les taxis jaunes défilent devant mes yeux impatients. Je lève le bras désespérant qu'un d'entre eux s'arrête. Je n'ose pas regarder mon portable, je vais être en retard et être royalement engueulée par mon patron. Si cette situation me fait perdre l'occasion qui m'est offerte, je vais vite le regretter.

Heureusement, un taxi arrive ; ses freins crissent lorsqu'il se range sur le côté.

J'ouvre la portière et m'apprête à entrer, mais je me stoppe net, nez à nez avec un homme. Il porte un costume cravate qui lui donne un air strict et décontracté à la fois. Son attitude arrogante ne fait que s'ajouter à la virilité naturelle qu'il dégage. Des cheveux noir corbeau retombent sur ses oreilles, entourant un visage lisse et légèrement pâle. Deux grands yeux bleus étincelants se posent sur moi avec surprise. Une barbe de quelques jours couvre une bouche sensuelle dont je suis la courbe du regard.

— Mademoiselle, c'est mon taxi, je vous prie de sortir immédiatement, balance-t-il d'une voix presque menaçante si bien que je frémis instantanément.

Il parle français, c'est ma langue maternelle et je sais l'utiliser.

Piquée au vif par son ton arrogant, je prends sur moi pour ne pas exploser. Je suis du genre à vite monter sur mes grands chevaux.

Je lui réponds aussi en français :

— J'ai un rendez-vous très important dans quelques minutes. Je dois y aller. Permettez-moi de venir avec vous s'il vous plaît, le supplié-je.

Je vois ses mâchoires se contracter alors qu'il passe une main dans sa tignasse, l'air totalement ennuyé. Je lui donne environ 25/30 ans.

— Trouvez-vous un autre taxi.

Son chauffeur se tourne vers moi, il a la cinquantaine ; des cheveux gris entourent son visage ovale. Des petites lunettes rondes teintées de noir sont posées sur ses yeux.

— Monsieur, dois-je prendre cette fille ? Voulez-vous qu'elle monte ?

Je ne lui laisse pas le temps de rappliquer que je fais le tour de la voiture à pas de géant et je grimpe dans celle-ci. J'installe mon sac sur mes genoux et j'attache ma ceinture avec rapidité.

Là au moins, il ne pourra pas me virer.

Je me suis assise avec un toupet monstre, mais c'est trop tard.

— Entreprise BNJ' s'il vous plaît, je suis très pressée.

Je croise mes doigts pour faire mine d'implorer le chauffeur. En temps normal, je n'aurais jamais fait ça, je déteste me sentir humiliée. D'habitude, ce sont les autres qui se soumettent à moi, pas l'inverse. Seulement, je ne veux pas perdre mon travail, pas celui-là. Je me suis acharnée pour monter en grade et devenir la meilleure. Cette mission est l'aboutissement d'un long effort mérité.

— Monsieur ?

— Vas-y, Jo', conduis-la où elle désire et après jette-la dehors, elle m'insupporte, articule le connard à côté de moi, me foudroyant du regard.

Je me retiens de ne pas lui mettre une raclée.

Ce genre de type m'énerve.

Le taxi s'élance et je soupire de soulagement, maintenant il doit rouler vite.

Sans prêter attention au fou à mes côtés, je sors un miroir de poche de mon sac et observe mon reflet. Il me renvoie l'image d'une jeune femme avec de longs cheveux bruns, des yeux gris — que je tiens de ma mère — et une petite bouche légèrement pulpeuse. J'y applique un peu de rouge à lèvres.

Je me rends compte que l'homme me fixe avec une colère à peine dissimulée. Je fais de même en regardant ses iris azur.

— Un problème ? fait-il.

— Et vous ?

Ma réponse semble beaucoup l'amuser.

— Ça va vous coûter cher d'emprunter mon taxi personnel.

Le sien ? Mais qui est-il pour posséder ce genre de véhicule ? Un homme d'affaires, je suppose.

— Dites-vous que vous aurez fait votre bonne action de la journée.

Tout en parlant, je replace correctement ma veste cintrée et ma jupe lissée. Je ne vais pas me laisser marcher dessus par quelqu'un comme lui. J'ai du caractère.

— Je peux vous foutre dehors si vous continuez, Mademoiselle, sa voix claque comme un fouet. C'est si facile.

— Je veux bien voir ça.

L'ambiance est vraiment électrique, je regarde le paysage défiler à vive allure. Le chauffeur n'a pas peur de perdre son permis, il roule si vite qu'il ne respecte en aucun cas les limitations. Encore quelques minutes dans cette fichue voiture et je suis arrivée.

Lorsque le taxi s'arrête enfin, je bondis de mon siège.

— Gardez la monnaie, merci, dis-je en jetant un billet dans les mains du conducteur.

Je foudroie du regard l'homme au costume cravate et je claque la porte.

M'élançant à grande vitesse dans l'énorme bâtiment de l'entreprise BNJ », je remarque que j'ai huit minutes de retard.

Je salue la secrétaire et je monte les marches quatre par quatre.

Lorsque j'atterris enfin devant le bureau de mon patron, je toque deux fois et j'entre en trombe.

— Vous êtes en retard, Ilyana. Je vous prie, installez-vous.

Je détaille l'homme qui vient de s'adresser à moi ; dans la soixantaine, le peu de cheveux qu'il lui reste se rassemble au centre de son crâne. Ses petits yeux gris vif me scrutent avec une curiosité mélangée à un peu d'irritation.

— J'ai une mission très spéciale pour vous en ce mois de septembre. Une principale et quelques autres bien mineurs. Mais celle qui nous intéresse est la première.

Je souris et je m'adosse sur mon siège.

— J'ai hâte d'en savoir plus. Je vous écoute.

Passion Mortelle 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant