Prologue

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Jeune, je déambulais seule la nuit, laissant fondre mon visage dans l'obscurité froide. J'observais tout ce qui pouvait s'y passer, comme l'on découvre un autre monde. Parfois la nuit me troublait, elle qui était si calme, si limpide. Les idées me devenaient ainsi plus claires, plus limpides aussi. Je pouvais ressentir un à un mes pieds fouler le sol, profitant de la quiétude du monde qui pèse sur le mouvement. 

Mon souffle ralentit. Mes prunelles se réfléchissaient d'un flou noirâtre, succombant à la buée fraîche. A cet instant, je jurai entendre le son du temps qui s'arrête, comme transportée. Mes pas ne formaient plus qu'un faible écho au silence de la nuit.Les réverbères formaient une auréole captivante en petits halos de cercle bleu orangé. Vers elle, j'étais éblouie, sans volonté ; la peur s'effaçait, s'oubliait comme par magie. 

C'est drôle à y penser, tout de même. Nouveau-né, la lumière est pour tout un chacun notre premier repère. Ce sont ces néons d'hôpitaux, ces lumières de salon. Cette même lumière luit dans notre premier regard, brûlante au creux de notre premier sentiment, dans le désordre de notre existence.

A la voir et à s'en approcher, l'on n'oublierait presque d'où l'on vient. Cette noirceur initiale, sans origine ni forme ni odeur, a pourtant gravé un jour, une paisibilité en nous. 

Comme l'on se noie dans ce monde ténébreux, l'on n'oublierait presque que dans un élan de volonté pure, la vie s'est animée en nous. D'ailleurs, à chaque étape, la lumière est présente. A chaque instant, même si l'on n'y pas prête attention, cette lueur luit dans l'âtre de notre être. Les vivants vivent avec, les mourants la voient au bout d'un tunnel.Cette lumière est notre trace, elle est l'empreinte de nous-mêmes sur cette Terre. Si éblouissante, elle nous plonge dans la vie et dans un désarroi bien plus immense. 

 A présent que je n'étais plus une enfant, cette lumière s'était éteinte. Le contact de sa main me hantait. Une partie de moi était morte ici même. Il fallait se rendre à l'évidence, cette noirceur m'attirait irrésistiblement à elle. 

Je m'apprêtais pourtant à l'accueillir tout entière. Ma vision se brouilla de larmes, le néon infime disparut. 

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