La nuit posa son épais manteau au bord du rivage. Un brouillard se dissimula à l'horizon, à peine perceptible au clair de Lune. Les vagues s'échouèrent en un tumulte puissant. Le sable fin s'incrusta entre mes pieds nus, laissant l'eau douce s'y loger, apaisante. Je baissai les yeux vers l'écume, et me délectai de son chatoiement.
J'accueillis paisiblement la mousse d'écailles. Je balançai mes mollets d'avant en arrière, en osmose avec la marée mélancolique. Soudain, une voix de femme se fit entendre. Le son inconnu se diffusa par ricochet à mes oreilles, s'effaça ensuite. Je ne m'en inquiétai pas. Ma peau se fondit dans la tiédeur agréable du bain de minuit. L'apaisement fut pour moi, total.
L'iode se faufila à mes narines et m'envahit de son doux parfum. La lune s'élargit au-dessus de ma tête sous la lente apesanteur. Les vagues s'écrasèrent une à une contre le rivage, redoublant d'intensité dans la nuit claire. Sans crier gare, le son de la marée si léger devint presque assourdissant. Les vagues enhardies, frappèrent et emprisonnèrent mes chevilles. Autour de moi, l'atmosphère changea brutalement. Déséquilibrée, ma quiétude première se transforma en angoisse, traversa mon corps et mon âme en de sa cape invisible et tenace. Ma vue se brouilla. Je ne bougeai plus, incapable d'émettre le moindre son, de remuer un orteil. Le sang éructa à mes tempes tel un magma, traversant mon être de tout son fluide, à une vitesse saisissante. Ma tête s'alourdit brusquement. Mes muscles se raidirent d'une froideur de glace. Ma force s'envola. Telle une statue de cire, la Terre me cloua au sol, prise au piège.Sous le faisceau de lune lointain, une silhouette presque émaillée se distingua au creux des vagues. De dos à moi, elle défiait la lune.Sa carrure ciselée, plutôt masculine se détacha de l'obscur décor. A sa vue, mon angoisse redoubla crispa son assaut autour de mes côtes. Je gesticulai au bord du rivage, désirant ardemment l'atteindre, empêchée par mes poteaux vissés dans le désert de sable. Il fallait pourtant le prévenir du danger. La mer me parut prête à le saisir, vorace. Ma respiration se coupa. En un instant, mes jambes ne m'appartinrent plus. Mon corps entier était saisi par la mer saisissante...
Mon cou se froissa sous le nœud coulant de la terreur. Mon souffle se perdit, je suffoquai.
- Aide-moi, je t'en prie !Je hurlai pour le prévenir.
A chaque tentative, les mots étranglèrent le fond de ma gorge en un étau d'acier, incapables de se frayer un chemin à travers ma bouche.Il jeta un regard sans émotion sur le flanc droit de la roche. Les vagues déferlèrent autour de nous. En un clin d'œil, son corps fluide s'évapora comme un mirage, me laissant en proie à l'agonie. Avec elle, la solitude.
C'est alors que je levai les yeux vers la Lune, ma boussole. S'étendant sous mes yeux, elle revêt une couleur rouge sang. Autour de moi, la mer s'étendit en une immense étendue visqueuse. Le sol vacilla sous mes pieds...
- Bonjour à tous, une belle journée vous attend, au beau fixe un super soleil dès ce matin ! Nous venons d'apprendre que la date de sortie du vaccin annoncée pour réduire la propagation du nouveau virus était à nouveau repoussée.
Protégez vous du soleil et du virus en portant le masque, ce n'est que partie remise !
En un sursaut et à moitié endormie, je me déliai des bras musclés de Morphée. Je frappai l'autoradio qui me servait de réveil. Ce matin-là, je me massai le cou pendant plusieurs minutes avant d'en relâcher l'étau invisible. Je me râclai la gorge, et poussai un râle de victoire. La tête étourdie par l'expérience, je réfrénai tant bien que mal le tremblement de mes jambes et forçai mon cœur à réduire la cadence afin d'effacer les dernières traces de ma vision cauchemardesque.
J'entrouvris la fenêtre et expirai l'air revigorant.Je me remis difficilement de ce rêve tourmenté. Le souvenir de la nuit de pleine lune, immaculée de la couleur rouge brunâtre me tétanisait encore. En ouvrant la fenêtre, je fus rassérénée par sa couleur laiteuse.
Du plus loin que je m'en souvienne, j'avais toujours été intriguée par la force ambivalence, parfois brute, parfois douce qu'elle dégageait, influençant vents et marées. Dans mon rêve, elle m'avait aspiré dans son tourbillon à la fois invisible et mystique. La Lune inspirait tout autant les esprits libres et mystiques que les esprits rationnels sceptiques. Je n'avais jamais pu me raisonner à appartenir à l'une ou l'autre de ces deux catégories.
Une fois que je vous aurais dévoilé toute mon histoire, vous vous demanderez simplement comment j'ai pu passer à côté d'un tel avertissement concernant ma vie future. Je vous répondrais bien cher lecteur, qu'une fois la tempête passée, la mer est lisse de tout son crime.
Oh et puis, vous vous ferez votre propre idée. Je n'aimerais pas gâcher votre premier jugement.
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DELIRIUM
Teen FictionLucille, jeune adulte nantaise débarque dans la vie parisienne. Loin de la vie de bohème qu'elle s'était imaginée, elle fait la rencontre d'un gentleman mystérieux qui prétend détenir les clés de son passé. Une robe couleur émeraude, un message codé...