🔮 La Sorcière

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Conte de Michel Ocelot, présent dans Princes et Princesses (2000)

TsukiyomiKuran  a également réécrit cette histoire avec un sorcier et un prince, dans son recueil "Contes des Amours d'Éphèbes", allez y jeter un œil ! ♥

Il était une fois un royaume dont le souverain était bien embarrassé de la présence d'une sorcière. Personne ne savait exactement depuis quand elle avait élu domicile dans la grande plaine verdoyante près de la capitale, mais les rumeurs les plus folles couraient à son sujet. On disait d'elle qu'elle pouvait changer les gens en crapaud ou en dragon, qu'elle savait changer le feu en eau, faire danser jusqu'à l'épuisement et toutes sortes de choses terribles ou farfelues.

En vérité, toutes ces histoires commençaient bien souvent par «on m'a dit» ou alors «j'ai entendu dire que» et tout un chacun connaissait forcément quelqu'un qui connaissait quelqu'un ayant eu maille à partir avec la sorcière. Pourtant, si l'on interrogeait n'importe quel sujet du royaume, on se rendait vite compte que personne n'avait jamais vraiment eu affaire avec elle directement, mais tout le monde avait quelque chose à dire à son sujet. Et celui qu'on entendait le plus là-dessus, c'était le roi.

— J'en ai assez de cette abominable sorcière qui me nargue ! pestait-il au moins dix fois par jour. Elle a le culot de construire son palais juste sous mon nez, aux portes de ma capitale, et en plus de ça la tour la plus haute de son château dépasse la mienne ! On ne parle que d'elle dans le royaume, elle sème le désordre et la discorde, cela ne peut plus durer !

Nul ne savait exactement ce que le roi reprochait à cette sorcière, puisqu'il trouvait sans cesse une nouvelle raison de médire à son sujet. Son château était trop proche de la capitale, trop grand, trop beau, trop prétentieux et faisait de l'ombre au palais royal. Elle semblait ne jamais sortir de chez elle, et pourtant tout le monde la connaissait, s'entourant d'un grand mystère dont le roi s'agaçait prodigieusement car il était fort curieux. Et surtout, elle ne répondait pas aux invitations, ni même aux convocations. C'était insupportable !

Alors un beau jour, le roi atteignit le bout de sa patience et envoya des crieurs publics et des coursiers dans tout son royaume pour annoncer la grande décision qu'il venait de prendre.

— Oyez, oyez ! Sa Majesté demande à ce que la Sorcière soit vaincue ! Quiconque parviendra à entrer dans son château obtiendra la main de la princesse Clélie.

L'annonce fit grand bruit, parce qu'épouser la princesse héritière voulait dire monter sur le trône à la suite du roi et ce n'était pas rien ! De nombreuses personnes se présentèrent au palais avec assurance, certaines de pouvoir réussir, et une grande foule se massa aux alentours du château de la sorcière pour voir les concurrents essayer d'entrer.

Parmi tous ces curieux qui n'étaient pas avares de commentaires et de pronostics, une jeune femme en habit de page se faufila jusqu'à un arbre pour pouvoir se percher sur une branche et avoir une meilleure vue sur le château. Il s'agissait en réalité de la princesse Clélie, qui en avait assez d'entendre son père lui rabâcher les oreilles de cette sorcière et qui ne comptait certainement pas se laisser épouser par la première brute capable d'enfoncer la porte du château dans la plaine.

— Tu te prends pour un oiseau ? se moqua un vieillard lorsqu'elle grimpa dans son arbre. Tu ne vas pas te mettre à chanter au moins ?

— J'observe, répondit simplement la princesse.

— Ah oui, tu imagines sans doute que tu vas pouvoir rentrer dans cette forteresse dans laquelle jamais personne n'a réussi à pénétrer ? railla une femme. Tu te vois déjà mariée à la princesse Clélie, pas vrai ?

Contes des Deux Belles [en correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant