Chapitre 2

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Les élèves m'écoutaient attentivement alors que je déballais le mensonge que j'avais précédemment appris par cœur. Tandis que je me présentais sous le nom d'Allison Bennett à mes camarades, j'en profitai pour les observer. Je ne fus pas surprise de constater que, comme dans mon ancienne école, les gens avaient cette désagréable manie de se séparer en groupes distincts.

En effet, aux premiers rangs se trouvaient des élèves calmes et respectueux, les mains sagement posées sur la table, tentant d'analyser chacune de mes paroles. Au fond, des garçons et des filles se tenaient nonchalamment assis sur leur chaise, comme s'ils pensaient que le monde leur appartenait et que rien n'avait suffisamment d'intérêt pour retenir leur attention. Cependant ils m'écoutaient, curieux de savoir ce que cachait cette fille venue d'un autre état. Les élèves "normaux", banals, remplissaient le reste de la classe, plus ou moins concentrés sur mes paroles. Au beau milieu de tout ça, un garçon se tenait droit, la tête haute. Il semblait nerveux et tortillait ses doigts inlassablement. Curieuse, je posai mon regard sur lui. Il avait des yeux couleur noisette, des reflets ambrés venant éclaircir son regard. Ses cheveux, marrons eux aussi, étaient impeccablement coiffés. Je remarquai cependant un épi sur le haut de son crâne. Il était assis aux côté d'une fille qui semblait toute droit sortie d'un de ces anciens magazines "people" que les jeunes dévoraient autrefois. "Quel parfait petit couple ils font", me dis-je.

Je repérai immédiatement le solitaire. Il était le seul qui n'était aucunement intéressé par ma personne, ignorant complètement mon histoire. Assis près d'une fenêtre, il jetait régulièrement des regards furtifs vers l'extérieur. Son pied droit allait et venait rapidement. Il tapait sa table en un léger bruit sourd. C'était comme si le son qu'il produisait résonnait dans ma tête, et mes pensées s'embrouillèrent. Je me sentis bredouiller, et cessai mon observation afin de revenir à moi-même.  

- Je...

Il m'était impossible de poursuivre. Le pied du solitaire battait de plus en plus rapidement contre la table.

- Mademoiselle Bennett ? m'interrogea l'agent.

Je sentais le regard des élèves sur moi. Je savais que j'avais tout intérêt à me faire discrète, mais j'étais tout bonnement incapable de continuer. J'inspirai grandement, expirai. Je répétai cette action, qui me semblait familière sans savoir pourquoi, en vain. Ma tête me faisant maintenant terriblement souffrir, je me tenais fermement au dossier de la chaise qui se trouvait devant moi. "STOP !" hurlai-je à moi-même. Soudain, le calme revint et j'entendais clairement les chuchotements des élèves à mon sujet. Je relevai la tête vers eux, encore secouée. Niveau discrétion, c'était sacrément raté. Je lançai un regard au solitaire. Il avait cessé toute activité, parfaitement immobile. Ces yeux étaient fixés aux miens, imperturbable. Je déglutis. 

- Mademoiselle Bennett, tout va bien ? répéta l'agent.

Je tournai la tête en sa direction. Il semblait partagé entre l'inquiétude et l'étonnement. Il posa sa main ferme sur mon épaule. Elle fut parcourue d'un frisson. Cet homme ne m'inspirait pas confiance. Je me dégageai de sa poigne et hochai la tête.

- Ça va, merci, finis-je par répondre. La tête m'a tourné quelques secondes.

- C'est certainement la fatigue, vous avez fait un long voyage. Vous résidiez en Virginie, n'est-ce pas? C'est ce que vous étiez en train de nous dire.

- Hum, oui c'est exact.

- Je ne vous torturerai pas plus, allez donc vous asseoir.

J'obtempérai avec plaisir. Je parcourus rapidement du regard l'ensemble de la classe à la recherche d'une place vide. Je remarquai que le solitaire avait détaché son regard du mien, le fixant de nouveau sur la fenêtre. Je m'installai tout au fond, à une table une place. L'agent ne m'avait pas lâché des yeux. Il me sourit avant de sortir. J'appréciais déjà ma place. J'avais une vue prenante sur mes nouveaux camarades, ce qui me permettrait d'analyser chacun d'eux, un à un. Je ne me liais d'amitié avec personne, mais j'avais toujours pris conscience de la vraie personnalité des gens. Je les observais, longuement. A cette place, tous me tournaient le dos. Me trouvant dans un coin de la salle, ils m'offraient presque tous une partie de leur profil gauche. Je percevais alors chacune de leurs expressions.

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