KAYRON
Je regarde les bleus parsemants mon corps dénudé. Des traces bleues, violettes, ou même jaunes marquent ma peau. Hier, papa a été gentil, au bout du vingtième coup de ceinture, j'étais épuisé, alors il m'en a donné seulement cinquante.
Je me retourne dos au miroir, et quand mes yeux tombent sur mon dos, une nausée me prend.
Je me dégoûte.
Mon corps me dégoûte.
Toutes ces marques me dégoûtent.
Mes clavivules, mes côtes, et tous mes os voyants me dégoûtent.
Il faut que je me mette à la musculation pour ne plus voir ces os qui me donne tant envie de vomir.
D'un coup de main, je retire la serviette bleue qui était accroché à ma taille, et m'habille de mon pull gris et de mon jean noir.
Je passe ma main dans mes cheveux pour les remettre en ordre, me lave les dents, avant de glisser mon sac de cours sur mes épaules pour me rendre au lycée.
[...]
- Bonjour à tous, reprenez votre citation de Victor Hugo. Nous ordonne la professeure de français en écrivant la citation au tableau.
J'ouvre mon cahier sur la citation que Romy et moi avons étudié hier.
- Qui veut bien me lire la citation ? Demande la professeure.
À ma plus grande surprise, Romy lève immédiatement la main. Madame Thomas, la professeur, hausse les sourcils, étonnée, mais donne tout de même la parole à Romy.
Elle lit la citation dans une lecture fluide et pratiquement sans accent, comme je lui est appris hier. Madame Thomas l'applaudie par la suite, surprise de sa prestation.
- Superbe Romy ! Magnifique ! S'écrit la professeure.
Romy sourit, fière d'elle.
[...]
- Alors, cette année, votre première représentation sera juste avant les vacances de Noël. Et c'est donc pour cela que nous allons entamer par une histoire d'amour, de rencontre. Nous dit la professeur de théâtre, madame Rivera.
Les élèves soupirent tous.
- Aujourd'hui, je vais simplement vous attribuer les rôles, selon la prestation que vous me donnerez après la lecture de ces poèmes sur scène. Continue-t-elle en nous distribuant des poèmes.
Je récupère la feuille en lui lançant un remerciement.
Mes yeux parcourent le papier qu'elle nous a distribué, et en voyant le mélange de langue, j'hausse les sourcils.
Quatre poèmes sont inscrits sur la feuille. Un dans notre langue maternelle, l'anglais. Un autre en espagnol. Un de plus en italien. Et un dernier en français.
Mon regard se pose instinctivement sur Romy, qui sourit, puis se décompose sur place.
- À partir de maintenant, vous avez le droit de vous entraîner pendant dix minutes top chrono ! S'exclame la professeure.
Je pars immédiatement me mettre dans un coin tranquille de la pièce, assis sur un banc en bois.
- Aide moi. S'écrit Romy en arrivant vers moi à grande vitesse.
Mon regard se pose sur elle, et je lui fais signe de lire d'un signe de tête.
Elle lit les trois premiers sans accroches, tandis que je l'aide à répéter chaque mot pour le dernier.
Sans même me remercier, elle accourt à ses amis.
[...]
- Les dix minutes sont écoulées ! Kayron tu commences ! Cri la prof.
Je soupire, me levant pour rejoindre l'estrade. En grimpant dessus, elle grince sous mon poids, si bien que j'en grimace.
Mes yeux parcourent les personnes de ma classe qui se taisent un par un, plongeant leur regard dans le mien. Je prends une grande inspiration, et lève ma feuille tremblante au niveau de mon torse.
- TELL ME. Tell me if you ever cared, if a single thought for me was spared. Tell me when you lie in bed, do you think of something I once said. Tell me if you hurt at all, when someone says my name with yours. It may have been so long ago, but I would give the world to know. - Lang Leav. Dis-je.
* DITES-MOI. Dis-moi si jamais tu t'en soucies, si une seule pensée pour moi t'a été épargnée. Dis-moi, quand tu es au lit, penses-tu à quelque chose que j'ai dit un jour. Dis-moi si tu as mal, quand quelqu'un prononce mon nom avec le tien. C'était peut-être il y a si longtemps, mais je voudrais le faire savoir au monde entier. -Lang Leav *
- En el amor, los cuerpos se suprimen y se iluminan. De repente, son más grandes que les llena de imágenes, más bellos pero se borran. Se queda sólo de brillo de caras, un silencio de manos, miembros que se esparcen negros en el rayo blanco. Lis-je.
* En amour, les corps sont supprimés et illuminés. Du coup, ils sont plus grands à mesure qu'il les remplit d'images, plus beaux mais ils s'effacent. Il ne reste que l'éclat des visages, un silence des mains, des membres qui s'étalent noirs dans le rayon blanc. *
- Amore è non dirsi mai addio. È litigare, odiarsi, allontanarsi. Desiderare di scappare, restare, lasciarsi, tornore. È chiedersi infiniti perché. Amare è avere paura, piangere e soffrire, ma non riuscire mai a dirsi addio, nonostante tutto, mai. Amare è provarci sempre, spostare i cocci rotti, medicarsi, guarirsi e avere la voglia di amarsi con più forza, con più amore. L'amore chiede amore, non lascia. Perciò resta. Perciò reta con me. Continué-je.
* L'amour, c'est ne jamais se dire au revoir. C'est se disputer, se détester, s'éloigner. C'est vouloir fuir, rester, partir, revenir. C'est se demander sans cesse pourquoi. Aimer, c'est avoir peur, pleurer, souffrir, mais ne jamais dire adieu, malgré tout, jamais. Aimer, c'est toujours essayer, déplacer les morceaux cassés, réparer, guérir, et avoir le désir de s'aimer avec plus de force, avec plus d'amour. L'amour demande de l'amour, il ne part pas. Restez donc. Restez donc avec moi. *
- Besoin de tes baisers pour me réconforter. Envie de ta peau contre la mienne pour me réchauffer. Commencé-je, mes yeux se posant dans ceux de Romy. Besoin de tes bras pour me reposer. Envie de tes mains pour me caresser. Besoin de toi pour que mon bonheur soit complet. Besoin de toi tout simplement pour exister. Finis-je, le regard perdu dans celui de Romy.
- Bravo bravo Kayron ! Félicitations à toi tu as très bien lu ! Romy, à ton tour. Applaudit la professeure.
Elle coupe notre contact visuel, me lançant un dernier sourire gêné quand elle passe à côté de moi pour se rendre sur la scène.
Sous son petit poids plume, le vieux bois marron de l'estrade craque légèrement. Ses yeux parcourent tous les élèves et elle déglutit, remplie de stress. Cependant, elle ne se laisse pas submerger par l'angoisse et se met à lire avec assurance tous les poèmes, trouvant par moment mon regard, dans les moments les plus sensuels, sans qu'elle ne sache ce qu'elle dit, ne connaissant pas la traduction des mots qu'elle a sous les yeux.
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ESTRELLA MIA
RomanceA Las Vegas, une fois la nuit tombée, nous n'entendions plus que des hurlements. Des hurlements stridents poussés un petit garçon qui n'avait rien demandé. La journée aussi, mais il était silencieux, porté le courage qu'il avait reçu de sa grand-mèr...