Chapitre 10

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Vita : je suis quoi ?
Carina : incinta... (enceinte...)
Vita : comment c'est possible ?
Carina : euh ... non hai avuto una lezione su... (euh..., tu n'as jamais eu de leçons sur...)
Vita : Carina !?
Carina : je plaisante.
Vita : non è il momento (ce n'est pas le moment)
Carina : lo so, la mia zucca. (je sais, ma citrouille.)

Elle s'approche du lit dans lequel je suis. Elle se met contre moi et me prend dans ses bras. Qu'est-ce que je vais faire ? J'ai toujours voulu des enfants, mais pas comme ça. Pas quand le géniteur n'est qu'un abruti de première. Pas en l'élevant seule. Une larme solitaire s'échappe de mes yeux humides. Je l'essuie avec rage. La vie ne me laissera donc jamais en paix ? Elle veut me forcer à me souvenir toute ma vie que mon premier enfant a un lien avec cet homme. La nausée monte et sans que je puisse faire un mouvement, je me retrouve à déverser le peu de chose qui me reste dans l'estomac sur la blouse de ma sœur. Encore plus de glamour la prochaine fois, Vita ! Carina se lève pour se nettoyer.

Carina : l'ultima volta che è successo dovevi avere cinque anni. (la dernière fois que c'est arrivé tu devais avoir cinq ans.)

Je lance un regard noir à ma sœur et continue de me rincer la bouche. Elle se rassit sur le lit et je m'installe à ses côtés. Elle me sourit. Je baisse les yeux sur mes mains tremblantes. Elle pose les siennes sur les miennes en me faisant relever la tête. Ses yeux ont pris une teinte plus sombre.

Carina : tu... tu sais qui est le père.

Je repousse ses mains et lui lance mon regard le plus noir. Pour qui me prend-elle ?

Vita : tu me prend pour quoi ? Bien sûr, que je sais qui est-ce !
Carina : tu sais que je ne voulais pas insinuare questo. C'est normal que je me pose la question. Tu ne nous as jamais parlé d'un quelconque relation.
Vita : désolé, je suis sur les nerfs. Je n'avais personne.
Carina : tu n'as pas fait cet enfant toute seule.
Vita : je sais bien, ce que je veux dire c'est que c'était un collègue avec qui je décompressais de temps en temps. Je n'étais absolument pas amoureuse de lui et la dernière que nous nous sommes vus, c'était il y a de six mois.

Mes yeux s'écarquillent quand je réalise ce que je viens de dire. Six mois, depuis notre dernière rencontre en dehors du travail. On s'était retrouvé dans mon appartement à Manhattan après que j'ai pris la décision de retirer ma plainte. Il était venu pour me remercier. Une chose en entraînant une autre, je me suis laissé aller avec lui. On s'est disputés juste après. Il a quitté mon appartement furieux, me souhaitant de ne plus jamais recroiser sa route. Quelques jours plus tard, je prenais la route vers Seattle.

Vita : Carina, depuis combien de temps, je suis enceinte ?
Carina : ton taux de bêta-HCC est à 108 000.
Vita : et en langage humain ?
Carina : entre la 23 et 26ᵉ semaine donc entre ta 25ᵉ sa et 28ᵉ sa.
Vita : je suis dans mon sixième mois.

Carina hoche doucement la tête.

Carina : il faudrait faire une échographie pour être sûr. Tu sais ce que tu comptes faire ?
Vita : je ne pense pas que j'ai beaucoup de solution.
Carina : tu pourrais...
Vita : ne finis même pas cette phrase. Je ne pourrais jamais faire ça. Pas après ce qui s'est passé avec mamma.

Pour la seconde fois en l'espace de quelques heures, mes yeux se remplissent de larmes en repensant à ce qui s'est passé avec notre mère. Ma naissance a été une surprise. Pour tout le monde. Je suis arrivé par hasard, sans que mes parents prennent la décision de m'avoir. Ma mère n'a jamais regretté et malgré la distance que mon père a mise entre nous, j'ose espérer que lui non plus n'a jamais regretté. Ma naissance a été très difficile pour ma mère. Beaucoup de complications. Sans les médecins, nous aurions perdu la vie toutes les deux. Ils ont dû annoncer à notre mère qu'avoir d'autres enfants après moi serait dangereux. Le plus grand rêve de ma mère était d'avoir une grande famille avec beaucoup d'enfants qui courent autour d'elle. Elle n'a pas voulu les écouter. Elle a essayé de tomber de nouveau enceinte pendant des années. L'année de mes cinq, le test qu'elle faisait chaque mois était enfin positif. Je n'avais encore jamais vu ma mère aussi heureuse. Je ne savais pas la gravité de cet acte. Je voulais juste avoir un petit frère ou une petite sœur. Carina et Andrew éteint plus grand que moi et il faisait des choses de grand alors avoir un autre enfant c'était pour moi, avoir un meilleur ami pour la vie. Mon père n'a pas réagi. Il a haussé les épaules et n'a dit aucun mot. Quand la grossesse eut atteint la onzième semaine, ma mère a dû se rendre à l'hôpital. Elle devait effectuer des tests. Je n'ai compris tout de suite ce que signifiaient les paroles de Carina. Elle a essayé de me faire comprendre que quand mamma reviendrait, elle serait toute seule. Que le bébé ne serait pas là et qu'il ne serait pas là. Plus tard, j'ai appris que le bébé avec un chromosome supplémentaire. Son chromosome 21 n'était pas doublé, mais triplé. Mamma, s'en fichait. C'était son enfant, elle l'aimait et savait que, nous aussi, on l'aimerait. Mais papá ne voulait pas d'un enfant qui ne pourrait pas répondre à ses attentes. Mamma a dû avorter et perdre sa dernière chance d'avoir un quatrième enfant. Ça n'a plus jamais été pareil entre eux après ça. Et puis, ils ont divorcé. Carina et moi sommes restés avec notre père, Andrew est parti aux États-Unis avec notre mère. J'ai attendu mes seize ans pour m'émanciper de notre père et partir. Je ne veux pas vivre avec la douleur de la perte d'un enfant. Je ne veux pas me faire ça ni faire cela à mama. Elle vivait pour les enfants. Elle m'en voudrait si j'envisageais un seul instant d'abandonner ce bébé. Qu'importe ma situation, j'ai fait un enfant, je vais l'assumer.

Carina : lo parlerai con il padre? (tu vas en parler au père.)
Vita : Non è suo padre ma solo il suo progenitore. È stato molto chiaro l'ultima volta che ci siamo parlati. Non vuole più avere niente a che fare con me. Non gli dirò nulla. Non posso. Non voglio che lo sappia.(Ce n'est pas son père mais juste son géniteur. Il a été très clair la dernière fois que nous nous sommes parlés. Il ne veut plus rien avoir affaire avec moi. Je ne lui diras rien. Je ne peux pas. Je ne veux pas que lui sache.)
Carina : tu ne veux pas que qui sache pour le bébé ?
Vita : personne. Laisse tomber. Je peux rentrer chez moi ?

Carina grimace.

Carina : je préfère te garder. Il faut te faire une échographie et vérifier si tout va bien. Autant pour toi que pour lui. Un déni de grossesse peut générer des problèmes sur l'évolution du fœtus.
Vita : qui est-ce qui parle ? Ma sœur ou mon médecin ?
Carina : les deux.
Vita : Carina, s'il te plaît. J'ai besoin de calme et de me retrouver pour accepter l'idée que cet enfant va naître dans trois mois. Que je le veuille ou non.

Elle soupire.

Carina : laisse-moi au moins te faire une échographie. Je veux vérifier si tout va bien et si le bébé n'a pas de problèmes. Je te laisse sortir après.

J'acquiesce lasse et émotionnellement perturbée par tout ce que je viens de vivre. Carina s'apprête à sortir de la chambre.

Vita : Carina ? Tu es tenue au secret professionnel ?
Carina : oui, pourquoi ?
Vita : tu peux ne rien dire. À personne pour ça ? (désignant mon ventre encore plat)
Carina : ce n'est pas une bonne idée, Vita.
Vita : s'il te plaît. C'est une faveur que je demande à ma sœur.
Carina (soupirant) : je ne dirai rien. Mais, tu me promets d'aller voir Sullivan pour lui dire. Le plus tôt possible. Tu vas devoir être sur le banc de touche jusqu'à la naissance. Il faut prendre aucun risque. Surtout avec ton métier.

Je hoche la tête mécontente. Je sais que je dois prévenir mon capitaine. Je sais également, que pour mon bien et celui de cet enfant... mon enfant, je vais devoir rester à la caserne. Je sais que c'est une nécessité. Que ce n'est que pour quelques mois. Mais, ça ne me plaît pas pour autant. Carina va chercher le matériel dont elle a besoin pour faire l'échographie. Instinctivement, je porte ma main sur mon ventre. Dans quoi est-ce que je me suis encore fourrée ?

Station 19 : Le goût de vivre Où les histoires vivent. Découvrez maintenant