Jeunesse

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Elle était fraîche cette rose que le Soir tenait entre ses doigts, toute petite, toute fragile. Presque un nouveau né, un être qu'on fait attention de ne pas échapper.

Ses pétales toutes recroquevillées contre elles étaient si douces, si belles. Et le Soir la caressait à l'aube, soit juste avant que son papa Soleil ne la prenne en train de s'effeuiller sous les yeux du charmant, mais corné Soir.

Le Soir était vieux, lui, longtemps, il avait cherché la fleur qui lui déverrouillerait le coeur. Millénaires après millénaires, se cachant du chaleureux papa Soleil, gardien de la beauté et de l'innocence. Jusqu'à ce jour sacré où le Soir effleura ses lèvres sur celles de la petite rose qui ne demandait rien d'autre que d'être aimée. Le Soir senti son coeur se détacher de sa poitrine, fracasser sa cage et traverser son âme. La rose, elle, encore innocente mais se sentant beaucoup plus mature, offrit au Soir de prendre avec lui la seule et unique chose qu'on ne peut reprendre. Le Soir, aux yeux clos et au sourire malin, soupira de sa bouche entrouverte et vola ce que la rose lui avait offert.

Papa Soleil vit grandir sa rose d'une façon si mystérieuse qu'il finit par se douter de quelque chose. Se souvenant des petites fleurs rebelles que son ennemi le Soir avait violé de leur dignité, papa Soleil enleva au Soir son outil le plus précieux lui permettant de scruter vicieusement les courbes des pétales de ses fleurs. Papa Soleil d'un seul geste furtif brûla les yeux du Soir de sorte qu'il ne dérobe plus jamais la beauté des jeunes.

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