55

34 5 8
                                    

Kai ouvrit la portière d'Adèle avant de lui tendre une main. Elle la prit avec difficulté, épuisée tant par la violence qu'elle avait subi que les médicaments. Elle ne s'en plaignait pas, appréciant l'incapacité de son cerveau à élaborer une pensée. Elle ne repensait pas à ce qu'elle avait subi, ni à ce qui l'attendait. Elle le suivit jusqu'à la porte d'un hangar qu'il déverrouilla grâce à son propre trousseau de clé.


« C'est à toi ? »

« C'est là où j'entrepose les voitures que je revends. » Elle acquiesça, comprenant que c'était son affaire illégale. Il put la voit se raidir. « Tu ne risques rien. J'ai aucun concurrent et encore moins d'ennemi. » Comme pour appuyer ses propos, il reposa son bras autour de ses épaules pour la rapprocher de lui et embrasser sa tempe. Il ne se délia que pour ouvrir son coffre fort. Il en sortit une clé de voiture ainsi que plusieurs liasses de billet.

« Parfois, j'oublie que tu fais ce genre de...trucs. »

Il trifouilla un peu plus longtemps à l'intérieur comme pour se retrouver une contenance. Elle n'avait jamais fait partie de ce monde, l'en avait toujours protégé au mieux mais il n'avait plus le choix. Il ne pouvait plus lui mentir, prétendre qu'il n'était qu'un commercial automobile. Il se redressa pour lui faire face. Elle se reposait contre le bureau, les yeux presque clos. Il était certain que s'il la laissait un peu plus longtemps ici, elle s'endormirait. « J'sais. C'était la seule solution à l'époque. J'ai pas fait d'étude. Personne voulait de moi parce que j'étais trop bagarreur, trop instable. Idriss et moi, on a essayé, on a tout essayé mais on n'en pouvait plus de dormir dans la rue. J'suis.. »

Adèle s'approcha pour se loger dans ses bras, prenant le temps de déposer un baiser contre sa mâchoire. « T'as pas besoin de te justifier. J'aurai pas dû dire ça, désolée. »

« Non, t'inquiète pas. »


Il se délia pour regarder l'heure. Il avait envoyé un message à Clara, lui proposant de venir voir Adèle avant qu'ils ne partent. Elle avait accepté mais depuis, il n'avait pas eu de nouvelles. La brune, elle, s'impatientait, inquiète d'être ici. De plus, elle n'avait eu la possibilité de prendre une douche et de se changer. L'odeur du sang et de sa transpiration lui rappelaient sans cesse les événements. Elle n'arrivait à comprendre comment il pouvait la supporter. Sa simple vue devait être horrible.

« Si elle ne vient pas, on devra partir. » Il sortit son portable pour lui envoyer un message. « Elle fait chier. Elle sait très bien qu'on n'a pas le temps. »

« J'vais être chiante. » Il releva le nez de son écran, perdant toute sa frustration rien qu'en la regardant. « J'peux pas rester enfermée dans une voiture en ta compagnie sans que je prenne une douche. Je suis...immonde. »

« Immonde est pas le mot. » Il secoua la tête avant de se retourner dans le placard de son bureau. « A la limite, courageuse, forte et tout ça, oui. »Il y avait un sac à lui avec quelques affaires et les doubles de ses papiers d'identités. Il avait prévu ce bagage depuis des années, simplement pour prévoir si quelque chose devait lui arriver. « Il y a un vestiaire avec des douches. »

« Ca donnera à Clara une seconde chance. » Il acquiesça malgré lui et lui tendit de quoi se changer. « Tu me montres ? »


Elle avait les joues roses, mal à l'aise comme si elle lui en demandait trop. Pourtant, il faisait parti des raisons de sa présence ici, dans cet état, et si elle n'en avait pas conscience, lui s'en voulait à chaque fois qu'il la regardait. Il attrapa sa main pour la guider jusqu'à la partie vestiaire. Il y avait quelques casiers, tous vides, signe seul qu'une ancienne entreprise avait ce local auparavant. Elle fut soulagé que les douches ne soient pas communes et froides. Kai alluma le jet d'eau, testant sa température et la propreté tandis qu'elle déposait le tout sur un des bancs, gardant en main le savon trois en un, typique.


« L'eau chauffe à peine. » Il grommelait, triturant le mitigeur. « T'es sûre de vouloir ? » Elle acquiesça dans son dos avant de tenter de retirer son haut. Elle commença par passer la tête avant de retirer les manches sans trop de difficultés. Le pantalon fut une autre affaire car se baisser et plier ses côtés était bien trop douloureux. Pourtant, elle retint un geignement, espérant presque que Kai ne se retourne pas pour ne pas la voir autant en peine. Seulement elle ne sut retirer à sa cheville et le sanglot s'échappa enfin comme un appel à l'aide. Le brun se retourna et se précipita vers elle. Il essuya ses joues, déjà trempées de larmes de ses efforts. « Te malmènes pas. » Il la libéra de son bas mais garda une main autour d'une cheville, se perdant dans toutes ses blessures. « Il t'a suffisamment malmené comme ça. Moi qui adore tant ton corps. » Il secoua la tête, certain de voir le spectacle le plus horrible possible. Elle ne resta pas contemplative, enfilant son sac pour protéger son plâtre. « Est-ce que ça va aller ? » Elle haussa les épaules, incertaine, mais elle y alla, retirant ses sous-vêtements avant de s'installer sous le jet, laissant l'eau couler sur ses plaies et former des flaques rougeâtres au sol. Kai prit place sur un banc, tête baissée mais prêt à la rejoindre si besoin.

« On va devoir refaire certain pansement. »

« C'est rien, petit coeur. Ca prendra pas longtemps. » Il sortit son portable, luttant pour ne pas la regarder ou proposer son aide. Adèle avait besoin de ce temps pour elle, pour observer son propre corps, se le réapproprier après avoir été usé par la violence, utilisé pour une vengeance qui n'était pas la sienne. Elle éteignit l'eau et il se leva comme si lui même avait un interrupteur. Il attrapa la serviette et l'ouvrit pour qu'elle s'y réfugie. Il déposa un baiser sur son front tout en la frottant à travers le tissu. « Ca fait du bien ? »

« Tellement. Merci. »



Ils restèrent ainsi, un instant, profitant l'un de l'autre, soulagés d'être de nouveau ensemble. Adèle avait enfin un sentiment de sécurité, propre, dans les bras du seul qui pouvait l'apaiser. Kai, lui, se ressourça de son contact, lui qui gardait en tête toutes les photos et les vidéos de sa violence subie. Il pouvait encore voir l'arme contre son front puis le choc en arrière. Pris de flashbacks, il déposa un baiser sur son crâne avant de se détacher.


« Tu vas attraper froid. » Elle frissonna comme si son corps voulait appuyer ses mots. Pourtant, elle n'avait froid que depuis qu'il l'avait quitté.

« Est-ce que tu peux essayer d'appeler Clara ? Je fais mes pansements et je te rejoins. » Il accepta et s'éloigna mais à peine il posa sa main sur la poignée qu'elle l'interpella de nouveau, l'angoisse remontant. « Pars pas loin ! »

« Je reste derrière la porte, ça te va ? » Elle plissa les lèvres, peu convaincue de le voir hors de sa vue. « J'te promets d'être derrière lorsque t'auras terminé. »

EverlastingOù les histoires vivent. Découvrez maintenant