Chap 5 : Suivre sa voix

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SIXTINE

Je n'avais jamais vu monsieur et madame Leclerc saouls. C'est chose faite. Monsieur Leclerc embrasse goulument sa femme qui glousse comme une midinette. Ça serait drôle si un bon nombre de clients n'était pas à peu près dans le même état. Monsieur Prigent titube, et le couple De Rostand s'est endormi dans les transats. Je décide de voler au secours de Samuel, coincé par Madame Villatte des Prugnes, qui ne se contient plus et le drague ouvertement. Samuel va tourner de l'œil si je n'agis pas.

—     Madame Villatte des Prugnes ! Quel plaisir de vous voir parmi nous, déclaré-je.

—     Sixtine, mon petit ! Je disais à l'instant à Samuel combien j'avais hâte de revenir ici ! Vous avez de nouvelles recrues absolument délicieuses, ajoute-t-elle en me désignant le bar avant de lâcher un rot. Et d'en rire.

Mon Dieu.

Parlons-en, des nouvelles recrues. Ces deux-là ne cessent de batifoler et je crains que ça ne dérape.

Non, Sixtine, ça t'obsède et tu n'as d'yeux que pour Malone Reyes.

Je m'excuse auprès de Madame Villatte des Prugnes, et me dirige droit vers le bar.

Dans sa tenue blanche, le shaker à la main, il est absolument divin.

Pourquoi je pense à ça, moi ? Je suis partie pour lui remonter les bretelles, à la base.

—     Qu'avez-vous mis dans ces fichus cocktails ? grondé-je tout bas, pour ne pas me faire entendre des clients encore alertes.

Malone, avec son sourire innocent qui ne trompe personne, se tourne vers moi.

—     L'espresso martini ? Vodka, liqueur de café, espresso...

—     Je ne vous ai pas demandé la recette, le coupé-je. Pourquoi mes clients sont... éméchés ?

—     Ils en redemandent, on donne. Le client est roi, non ? rétorque-t-il. Sans doute est-ce le soleil qui leur tape un peu sur le crâne. Détendez-vous, Miss Langlois, prenez donc un verre, c'est la maison qui offre. Garantie sans alcool.

Il me tend une coupe et je me retiens lui renvoyer à la tête. D'où sort cet accès de violence ? Je mords l'intérieur de ma joue et serre les poings.

Reprends-toi.

Je ne vais pas appeler un de mes frangins, ça leur prouverait que je ne suis pas à la hauteur. Je tourne les talons et rejoins Samuel qui s'est enfin débarrassé de Mme Villatte des Prugnes, pas sans s'être fait peloter les fesses au préalable. Il a l'air traumatisé.

—     Calmez-vous, Samuel. Elle n'a pas abusé de vous, que je sache. Bon, je vais la raccompagner à sa chambre, faites de même avec Monsieur Prigent. Les Rostand ronflent, ils ne gênent personne, on s'occupera d'eux plus tard.

—     Et les Leclerc ? demande-t-il, l'air toujours scandalisé.

—     Il serait temps que Hartmann et Reyes assument leur blague, susurré-je entre mes dents, plus pour moi-même que pour lui. 

Une fois que madame Villatte des Prugnes décuve au frais dans sa chambre, je retourne à la réception et me dirige vers le bar.

—     Vous deux, venez avec moi.

—     A vos ordres.

Ces trois mots, prononcés d'une voix chaude et profonde, me font tressaillir.

Je suis de plus en plus grave.

—     Je préfère prendre le mec, dit Siegfried.

—     Tu m'étonnes, s'esclaffe Malone. Pas trop envie de te faire tripoter par Madame ?

Evite-Moi [Sous contrat d'édition BLACK INK]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant