Chapitre 9 ; Éternité et Bousculade

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La guide m'a remis un emploi du temps bien chargé, mais aucun uniforme scolaire. Quand je lui ai demandé pourquoi je n'avais pas le droit à ce " privilège ", elle m'a répondu que tous les loups du lycée n'en avaient pas, pour la simple et bonne raison qu'ils ont la fâcheuse habitude de se transformer sans se déshabiller. Résultat des courses, des uniformes déchirés et des frais inutiles pour l'établissement.

Élina Rose Belle Godlock.

Élina Rose Belle.

Rose.

Dans le bureau, avec les yeux de la directrice braqués sur moi, le doux visage de la vampire ne m'était pas venu en tête. Mais maintenant, assise sur le lit de ma chambre individuelle, située dans le quartier des loups du campus, tout revient. Son hurlement, les pattes de mon semblable sur elle... Et la mort.

Ce n'était pas ma sœur, mais sa perte m'attriste autant que si je la côtoyais depuis toujours. Elle reste, et restera probablement, à jamais gravée dans ma mémoire. Elle était si innocente...
Trop innocente pour faire partie de ce monde sans pitié. Au visage de la vampire s'ajoute un autre souvenir plus amer. La voix de la directrice, sûr d'elle quant à l'infidélité des surnaturels.

En un sens, elle avait raison. Lorsque je serai morte, Mathias n'attendra pas jusqu'à ce que son tour vienne. Il tombera certainement amoureux, et je l'espère pour lui. Je ne voudrais pas qu'il mette ses sentiments sous clés, hanté par mon fantôme. Je sais qu'il doit être heureux, qu'il le mérite.
C'est un être éternel, je ne le suis pas.

Je me rends soudainement compte que nous aurions dû nous poser la question bien avant. Le problème réside dans le fait que nous soyons ensemble.

Et si ça ne rimait à rien ?

Dehors, la sonnerie du campus résonne. C'est un long hurlement qui réveille mon esprit de louve. C'est une sensation indescriptible, une soudaine envie de liberté. L'envie de courir jusqu'à en perdre haleine, s'éloigner de tout, ne plus se retourner. Il y a des jours où je me dis que cela vaudrait mieux, que j'écoute cette petite voix. Que j'écoute ma louve, enfin.

Je finis par me lever, fatiguée d'entendre le hurlement strident qui résonne à l'extérieur. J'attrape mon emploi du temps que je vérifie une dernière fois tout en marchant. Des tas de silhouettes apparaissent et disparaissent dans mon champ de vision, lorsque l'une d'elle me percute de plein fouet.

Enfin, de son point de vue, c'est plutôt moi qui lui ai foncé dessus.

— Fait un peu attention ! hurle une voix cristalline.

Je lève les yeux de mon emploi du temps et tombe nez à nez avec une fée. Sur sa tête se dressent de longues cornes fleuries, qui jurent avec son uniforme entièrement noir. Madame Godlock a donc poussé le vice jusqu'au bout. Jack m'a expliqué que les chamans et les fées ne pouvaient pas se supportés, mais il a refusé de m'en dire plus.
Que ces deux clans soient ennemis est une chose, mais que la directrice fasse payer un conflit aux fées dont la plupart ne sont pas responsables est ignoble.

Mais, visiblement, le problème principal de cette fée n'est pas sa tenue, mais moi, qui me tiens hébétée en plein milieu du couloir, tandis que les loups circulent toujours sous forme humaine autour de nous.
Elle croise les bras sur sa poitrine et me fixe de ses yeux verts perçants. Un frisson glisse le long de mon échine, tant que je suis impressionnée par la colère que je lis dans son regard.

— Qu'est-ce qui t'a pris de me bousculer ?! s'exclame t'elle.

— Je.. Je.. Et toi ?! Qu'est-ce que tu fais dans le quartier des loups ? demandé-je en tentant de masquer mon embarras.

— Je confirme mon hypothèse. Les loups ne savent répondre à une question que par une autre question, dit elle en reniflant.

Sacrée répartie.

Je voudrais lui répondre que je ne suis pas vraiment une louve, que j'étais une humaine il y a encore quelques jours, mais elle ne me croirait sûrement pas, et cela serait le meilleur moyen pour me faire remarquer. Il va falloir que je m'y fasse.

— Non, nous avons également le libre arbitre. Pour répondre à ta question, je ne t'avais pas vue. Maintenant, j'aimerais que tu répondes à la mienne. Que fais-tu là ?

Elle soupire.

— Ce ne sont pas tes affaires, grommele-t'elle.

Nous nous fixons quelques instants, jusqu'à ce que la deuxième sonnerie retentisse, toujours aussi stridente.
Je revérifie mon emploi du temps en même temps que la fée.

— Contrôle de la métamorphose et des pouvoirs surnaturels, répétons-nous à l'unisson.

Une grimace se forme sur son visage, tandis qu'un rictus s'affiche sur le mien.

— Visiblement nous aurons d'autres occasions de nous regarder en chiens de faïence, dis-je d'une voix dénuée de sarcasme.

Un léger sourire étire ses lèvres roses. C'est un bon début !

— À plus, sac à puce ! lance-t-elle en s'élançant dans le couloir.

Le bas de son uniforme rebondit sur ses jambes tandis qu'elle s'éloigne.
Je la suis de très loin, car elle semble savoir où se déroule notre premier cours de la journée.

Quelle drôle de rencontre !

                                   ★

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Rosa Bianca è Luna Où les histoires vivent. Découvrez maintenant