Chapitre 6

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Mikhaïl

Je sors de ma réunion en ligne aussi lessivé que si j'avais couru un marathon. Je n'ai pas décoléré pendant deux heures. J'ai dû prendre sur moi pour ne penser que bilan et stratégie commerciale, écouter attentivement les rapports de mes gérants de succursales et distribuer mes directives pour les prochaines semaines.

Nikolaï a convoqué Pavel dans mon bureau pour 12 heures précises et Z m'a envoyé la vidéo que je lui avais demandée avant de démarrer ma réunion. Je la visionne sans attendre, affalé dans mon fauteuil, tout en desserrant ma cravate. Il m'a préparé le passage qui m'intéresse sur ce que filme sa caméra vingt-quatre heures sur vingt-quatre devant l'immeuble de Coleman.

L'appartement numéro 32 était vide quand Pavel a forcé la porte avec ses hommes. Coleman est parvenu à berner la surveillance en place et s'est évanoui dans la nature. Ce gars n'agit pas seul. Soit il est de mèche avec ceux qui tirent les ficelles dans l'ombre, soit il est forcé d'exécuter des ordres sous la menace. Je ne me connais pas d'ennemis déclarés à Portland. Seuls les Tchétchènes, des indépendantistes instables, fanatiques, sans foi ni loi, m'ont causé quelques ennuis à mon arrivée. Mais c'est du passé. La présence de Dmitri dans la ville m'a permis de sceller un pacte de non-agression avec eux.

Un coup frappé à la porte me tire de ma réflexion. Je ne réponds pas, c'est le signal pour autoriser mon visiteur à entrer. Si je ne veux voir personne, soit la porte est verrouillée, soit je me contente d'envoyer chier l'importun. À l'extérieur, je me conforme aux règles en vigueur dans la société ; dans ma maison, c'est moi qui les fixe.

Pavel prend le temps de refermer la porte derrière lui avant de s'avancer jusqu'à mon bureau. Je n'ai pas bougé de place, mon portable encore entre les mains. Il est planté devant moi, droit, bien campé sur ses jambes légèrement écartées, les mains réunies devant lui. Ses traits anguleux soulignés par une barbe courte n'expriment rien de particulier. Il sait pourtant ce qui l'attend. Je ne désigne pas n'importe qui à la tête de mes équipes, Pavel a largement fait ses preuves depuis qu'il a rejoint mes rangs. Il dirige le groupe qui surveille les bandes de trois quartiers autour de Pearl District. Ceux où des petits caïds en mal de notoriété nous cherchent régulièrement des noises. L'affaire Gavin Coleman occupe entièrement son équipe ces derniers jours. S'il n'est plus capable d'assurer correctement sa mission, je n'ai pas d'autre choix que de le sanctionner.

Il attend toujours que je prenne la parole, la tête droite, mais le regard dans le vide.

— Tu as quelque chose à me dire, Pavel ? m'enquiers-je comme s'il avait lui-même sollicité l'entrevue.

Je me lève et je le rejoins, mon portable toujours en main.

— Vas-y, Pavel, je t'écoute, l'incité-je d'un ton engageant.

Il se demande sincèrement ce qu'il doit dire. Il n'a aucune excuse valable à m'opposer. Il était en possession de tous les éléments nécessaires pour repérer une éventuelle sortie de Coleman.

— Je reconnais que j'ai commis une erreur...

— Une erreur ? Blyat' ! Comment tu as pu commettre une « erreur », Pavel ?

Je tends la main vers la photo que je gardais en exposition sur mon bureau et la lui fourre sous le nez.

— Tu vois ce beau portrait en pied de Coleman, Pavel ? Z t'a envoyé le même sur ton portable. Regarde bien sa main droite. Tu as repéré sa jolie chevalière gravée d'un diable rouge ? Attends, je vais te surprendre.

J'enclenche la vidéo sur mon portable et lui présente le film de son échec impardonnable dans la mission qui lui a été confiée. Il le regarde sans sourciller. Pas besoin d'en rajouter, il voit comme moi la chevalière que Coleman s'applique à lui montrer.

Gyurza - la bratva Volkov - tome 1 [en correction pour autoédition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant