Chapitre 7

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Alyssa

Assise sur le lit, j'explore avec une certaine frénésie les sacs remplis de vêtements et de lingerie que vient de m'apporter Tatiana. Ils proviennent de boutiques de luxe où j'ai rarement mis les pieds. Ces enseignes sont bien trop chères pour moi, une femme de flic ne pourrait se permettre d'y acquérir le string le plus minimaliste sans y laisser une fortune. Je reconnais les noms de certaines marques pour avoir souvent accompagné Leslie sur la NW 23rd Avenue de Nob Hill. C'était avant ma rencontre avec Duncan. C'est elle qui m'avait offert la seule lingerie de luxe sexy que j'aie porté de ma vie. La suite s'est résumée à de jolies imitations bon marché.

— C'est toi qui as acheté ces merveilles ? demandé-je à Tatiana à grands renforts de gestes.

Elle approuve vigoureusement de la tête, tout sourire, tandis que j'éprouve la douceur de la soie contre ma joue.

— Tu es sûre que tu avais la permission d'y mettre un tel prix ?

Da ! Le Vor (1) a dit !

Une raison incontournable de tout flanquer à la poubelle sans états d'âme. En tant que prisonnière du Vor, je me demande ce qui l'a poussé à m'offrir cette lingerie de luxe. Il compte me garder à vie dans cette chambre et me couvrir de cadeau pour compenser ma perte de liberté, peut-être ? J'élève devant mes yeux deux nuisettes noires et cassis du même modèle, à fines bretelles et lacées dans le dos. Il y a également cinq coordonnés dentelles et soie qui ne séduiront personne d'autre que moi, mais l'idée de les porter me plaît honteusement.

Deux tenues complètes accompagnent la lingerie : une robe pull moulante en cachemire, agrémentée de faux boutons de haut en bas. Le rouge soutenu s'accorderait très bien avec mon teint de brune. Il y a aussi un legging noir et une tunique ample écrue ceinturée à la taille. Je cherche au fond de moi la force de tout remettre dans son emballage et de le tendre à la petite bonne femme qui me regarde avec tendresse.

— Merci Tatiana, dis-je finalement en lui adressant un doux sourire.

Je ne vais pas lui dire que le Vor peut se garder ses cadeaux empoisonnés, surtout si le but réel est de m'extorquer des informations que je n'ai pas. Elle agite ses mains en gloussant de bonheur. Comment une personne aussi aimable, aussi sensible et serviable a pu se retrouver dans l'antre de ces fauves ? L'ont-ils enlevée elle aussi, comme cela arrive à ces filles des pays de l'Est à qui les trafiquants suppriment leur passeport ? Elle n'est pas prisonnière de ces murs au même titre que moi puisqu'elle a pu sortir pour m'acheter des vêtements. Elle reçoit sans doute un salaire pour le travail qu'elle accomplit ici. Ma condition d'otage me revient de plein fouet.

Où est mon petit Jordan,à cette minute même ? Je lui manque certainement autant qu'il me manque. Pauvrepetit bout qui s'est réveillé ailleurs que dans son lit et à qui personne nepeut donner de réponse. Même si je le sais en sécurité, l'idée qu'il soit sousla garde de ma sœur me révulse. Elle doit jubiler, elle qui critiquait sivertement ma décision de séparer Jordan de sa 

fille Amy. Elle doit avoir envie de me retrouver rien que pour le plaisir de m'accabler de reproches. Mais peut-être Duncan l'a-t-il récupéré ? Le Sheriff Office d'Hawthorne et le bureau de police de Pearl District doivent travailler de concert sur l'affaire.

Je me redresse mentalement de toute ma taille. Tu n'es pas cette fille défaitiste, Alyssa ! Ton fils a besoin de toi. Son père est si peu disponible pour lui. Qui va l'élever si tu disparais ? À qui va-t-il pouvoir se raccrocher, se réconforter, confier tous ses malheurs, montrer ses blessures, les bobos des courses intrépides et ceux de l'âme ? Les larmes débordent de mes yeux et je les essuie rageusement.

Gyurza - la bratva Volkov - tome 1 [en correction pour autoédition]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant