CHAPITRE 1

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ALMA

C'est comme si le temps s'était arrêté. Tout autour de moi paraît flou, absurde. Je sens la présence d'un homme à mes côtés. Un homme qui m'a bien trop fait souffrir et qui m'a très rapidement brisé le cœur.

Je vois ma sœur de dos, devant moi. Elle, qui a tant changé en si peu de temps et qui est devenue une femme plus forte, plus affirmée. Sauf que l'homme qui lui tient la main, celui-là même qui est le plus recherché de toute l'Amérique du Sud. Cet homme-là va la briser, morceau par morceau.

Puis, il y a cet autre homme. Celui qui ne me ressemble pas, mais pour qui je donnerais tout. Je vois ses yeux et de là où je suis, j'aperçois leur noirceur. Même à plusieurs mètres de mon frère, je sens que ce n'est plus celui que je connaissais. Il n'est plus celui qui a partagé de longs après-midis avec ma sœur et moi à jouer dehors sous le soleil colombien. Il n'est plus celui qui venait me faire un bisou et me souhaiter bonne nuit avant que je ne ferme les yeux chaque soir.

Mais, Enzo Flores, qui es-tu alors ?

— Baisse ton arme, hermano !

Cette phrase résonne dans tout le salon. L'ordre que ma sœur donne à Enzo n'a aucun effet. Un frisson parcourt et longe tout mon corps quand la force, la dureté de la voix de Bianca infiltre enfin mon cerveau. Comment ma petite sœur a-t-elle pu changer aussi vite, et comment ai-je fait pour ne pas voir ça ?

Mes yeux glissent inconsciemment sur le dos de Raphaël Rojas, le trafiquant de cocaïne le plus dangereux de Medellín. Mon regard se perd sur cet homme, mes pensées vagabondent dans les conséquences de nos malheurs, puis un bruit sec résonne et traîne derrière lui la lourdeur de nos âmes.

Mon frère, un des grands hommes de ma vie, fait un pas vers Raphaël. Ce dernier ne cille pas, même avec une arme à feu pointée entre ses deux yeux.

— Arrête ça, Enzo, grogne littéralement Bianca.

Mais mon frère ne l'écoute pas. À la place, il avance encore et pose son flingue sur le front de Raphaël.

Como vas, Raphaëlito...

Je vois presque les dents de mon frère tellement il grogne comme un chien. Ses yeux sont plus sombres, ses poings plus crispés et sa haine est beaucoup plus présente qu'avant.

— Tu es devenu muet, peut-être ?

Personne ne parle, plus aucun souffle ne résonne dans la maison. Juste les mots d'Enzo, sa colère et le bruit métallique de son arme. Il laisse un temps, attendant que Raphaël réponde, cependant ce dernier ne bronche pas.

L'ambiance devient de plus en plus lourde. Une sorte de brume noire s'évapore autour de nous, s'étendant dans toute la pièce et contaminant notre air.

Le souffle d'Enzo raisonne dans tout le salon, il tremble de colère. Raphaël garde un calme parfait, il gère absolument tout, du moins, c'est ce qu'il laisse paraître. Je le vois serrer plus fort la main de ma sœur dans la sienne, puis la seconde d'après, tout va beaucoup plus vite.

— Je vais très bien, merci de demander. Et toi, cabrón, como vas ?

— Tu baises ma sœur, sale fils de !

Mon frère hurle presque, puis il se jette sur le mafieux et lui envoie son front dans le nez. Deux rugissements font vibrer toute la pièce, puis j'entends au loin ma sœur crier. Je la vois se jeter sur les deux hommes qui se rouent de coups, désormais.

Je lève les yeux, croise le regard vairon de l'homme qui m'a brisé le cœur. Un sourire factice apparaît sur ma bouche tandis que la sienne se tord dans une moue de douleur.

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