CHAPITRE 2

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LUIS

On me dit toujours que je souris tout le temps. Que c'en est même étrange ou agaçant. J'ai cette faculté d'écarter les malheurs, les choses qui pourrissent ma vie. Je fais et ferais encore de nombreuses choses absolument horribles. Je commets des actes qui ne sont pas normaux pour un homme basique. Je ne suis plus vraiment considéré comme un homme, je suis passé dans une catégorie supérieure... si l'on peut dire.

Alors oui, je souris pour masquer les faits que je commets, pour donner un peu de gaîté à ma vie. Pour ne pas m'enfoncer dans un gouffre de noirceur qui salirait encore plus mon âme.

Le plus dur n'est pas de côtoyer la drogue ou les requins du milieu de la pègre. Le pire c'est de briser son âme, c'est de choisir d'entacher une partie de nous pour finir seul et triste. Isolé et finalement, impuissant. Au début, quand tout commence, on se sent maître, ayant le contrôle sur chaque moment et sur tout un chacun. Sauf que cette ambition, cette façon de voir n'est qu'un d'obstacle, une peinture qu'on vous met sur le visage et qui vous brouille même la vue.

Vous ne voyez pas le mur qu'il y a en face de vous, le merdier qui vous ouvre ses portes et qui va vous anéantir. Car oui, il y a toujours une chute. On ne peut pas être le meilleur, personne n'est jamais le meilleur. Il y a toujours pire et toujours plus mauvais que nous, alors il ne faut jamais sous-estimer l'ennemi, le rabaisser et se sentir supérieur. En fait, c'est ça, si vous vous sentez supérieur, si vous vous prenez pour le roi du monde, c'est là où vous aller vous tromper.

Au début, tout est rose. Bon... pas vraiment, mais tout vous sourit du moins. Vous êtes la personne à qui on vient demander l'accord pour faire telle et telle chose. Personne n'ose vous dire un mot plus haut que l'autre ni se mesurer à vous. Votre ego grandit de jour en jour, ce qui paraît normal finalement. Tout être humain, s'il est flatté à longueur de temps, va se sentir supérieur et va dans un effet boomerang, rabaisser ses compères.

Je ne me suis pas pris pour Dieu. Au début, si, mais le choc du milieu était trop fort pour moi. Une fois que j'eu compris l'environnement qui allait être le mien jusqu'à la fin de mes jours, je suis redescendu de ma tour d'ivoire. Le pire, ce n'est pas la drogue, mais ce n'est pas non plus l'environnement, côtoyer des personnes de la pire espèce est effrayant au début, puis, après on devient comme eux, voire pire. Après, c'est eux qui ont peur de vous, eux qui pourtant, au début, vous faisaient peur, à vous, au commencement.

Le pire dans un gang, c'est le crime en lui-même.

Malgré l'atrocité de certains actes, on y prend goût, on aime le sentiment d'adrénaline et de peur. Toujours cette petite impulsion au fond de mon cœur, comme si je prenais un coup d'électricité. J'ai l'impression que ma petite âme moisit, respire un peu d'oxygène quand je suis en état d'alerte.

Alors, le pire dans un cartel, ce n'est pas la gestion des hommes, le contact de la cocaïne, ni même la trahison que l'on est obligé de faire subir aux personnes qui nous font ressentir un sentiment proche de l'amour. En étant ce que je suis, l'amour, le vrai, est un sentiment qui fond au fond de mon être et qui disparaît peu à peu.

Le pire c'est d'aimer le meurtre, d'aimer la haine et la souffrance. D'aimer torturer quelqu'un, de l'entendre crier, supplier pour sa vie, mais vous, vous vouliez entendre ce petit déclic dans votre corps qui donnera de l'air à votre vie.

Je suis né seul et je mourais seul...

Vous avez déjà vu un homme avec un nez aquilin ? Eh bien, l'homme face à moi actuellement a un nez aquilin. Ça fait ressortir une sorte de féminité d'un visage barbu et mauvais. Un truc vraiment étrange.

Unité T2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant