Moi, je vois qui tu es

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Alison

-Salut Ali ! Dit sa voix toute joyeuse. Je sais que je ne devrais pas  t'appeler, mais j'en avais envie. Tu nous manques beaucoup et on espère  que tout va bien pour toi ma belle.

Non, rien ne va ! Ai-je envie  de lui dire, je veux même le lui hurler. Pourtant, je continue de l'écouter. Je fais défiler les appels qu'il m'a passés presque tous les jours sans jamais que je réponde.

-J'ai vu la vidéo de Finn, tu vas devenir une pro à cette allure ! Affirme-t-il, quasiment heureux.

-Je crois qu'elle va même me dépasser ! Râle gentiment Spencer, sûrement à son côté pour que je l'entende aussi bien.

Je pouffe de rire alors que mes joues sont pleines de larmes.

Merde... Je viens de tuer un homme d'une simplement balle dans la tête.

J'en tremble de toute part alors que mes genoux cèdent sous mon poids  pour atterrir sur le sable. Mes forces m'abandonnent et mon cœur se  comprime violent aux souvenirs de ce cadavre ou à la manière dont j'ai  appuyé sur la détente. À cette facilité à tirer pour mettre fin à sa vie.

Une balle, c'est décisif...

Un frisson de dégoût me parcourt tout le corps.

Je me dégoûte et cette fois si d'une manière bien différente mais tout aussi atroce, parce que j'ai réussi...

J'ai tiré avec facilité. Je l'ai tué, j'ai volé sa vie, arraché ses  sentiments et ses souvenirs. Je l'ai retiré de ce monde d'une simple  balle.

Un sanglot violent m'échappe.

-C'est moi qui l'appelle, pas toi. Bref, pour te confirmer que tout va bien de notre côté, j'espère que toi aussi.

-On espère ! Corrige Spencer avant que son ami ne raccroche.

Je continue de l'écouter en boucle, c'est comme une sorte de méditation  où sa voix a le don d'apaiser ou de recentrer mes pensées. Or elle  n'efface pas tout et les larmes elles ne sont pas décidées à s'arrêter.

Les trois autres appels qui suivent racontent quasiment la même chose  et je finis par me calmer grâce à lui, assise sur le sable, le bruit des  vagues en fond sonore.

Puis j'ai le malheureux de finir par ouvrir les yeux. Ma vue  brouillée par les larmes ne me cache que quelques secondes ce que je  crois voir. D'un seul coup, je me mets à sursauter de peur en voyant le  visage Arnaud en face de moi. Il est mis dans la même position que la mienne. J'ai  l'impression désagréable qu'il essaye de m'imiter, mais au lieu de voir des larmes  sur ses joues, un grand sourire fait place. Son front porte la marque de  mon passage et je vois même son sang couler à travers la plaie pour venir dans ses yeux et couler jusqu'à sa bouche.

-Je te hanterais toute ta vie !

Il ne fait que répète en boucle cette phrase et il la crie de plus en  plus fort sur moi, comme si je pouvais ne serait ce que l'oublier. Je le vois se lever vers moi, venir les poings  serrés, le sang coulant de sa bouche, pour tenter de m'atteindre ou de  me frapper.

Les larmes aux yeux, c'est la crosse de mon arme entre mes doigts que je prends pour me défendre. Le simple fait que mon  instinct me demande de prendre mon arme me montre que je suis prête à  recommencer pour me protéger. Je le réalise avant que je la sorte et  ferme les yeux en hurlant après lui pour l'arrêter. Je lui ordonne de me laisser en  paix, je le supplie de partir.

C'est dans ma tête que je reçois une  réponse. J'entends sa voix. En revanche, je sais que ce n'est pas lui qui me  parle, mais cette petite voix intérieure qui m'habite et qui pourtant m'abandonne dès que l'acte  difficile est passé.

La Silencieuse |Tome 2|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant