Alison
Mon père avait des moments de lucidité, où sa colère envers moi s'évaporait, comme si elle n'avait jamais existé. Durant mes huit premières années de ma vie, je n'ai jamais mis un pied dans une école. Chaque jour, Ivann m'apprenait ce qu'il savait. C'est lui qui m'a appris à écrire, à lire et à réfléchir par moi-même.
Je me rappelle d'un soir précisément. J'étais déjà assez âgé, mais Ivann m'apprenait encore quelques trucs qu'il avait appris en cours et qu'il souhaitait que je sache. Mon père, lui, est rentré complètement sobre de sa journée de travail, avec trois sacs de courses bien remplient.
La veille, il m'avait giflé et la marque de sa main était encore là, sur ma joue. Presque vingt-quatre heures après, je sentais encore la brûler que son coup m'avait causé. Mais là, il était devenu un homme neuf. Un homme a l'allure presque bien.
-Salut les enfants ! Dit-il d'une voix enjouée, avec un sourire qui aurait mis tout le monde à l'aise.
Il était encore en crise. Ivann m'avait expliqué que papa ne contrôlait pas ces « phases ». Moi, ce que je ne contrôlais pas, c'était la peur que je ressentais dès qu'il était proche de moi. Même les mouvements brusques d'Ivann devenaient insupportables au quotidien.
J'avais peur d'eux. Si peur que mon ventre me remontait souvent dans ma gorge. Quand j'ai regardé les yeux de mon père, je compris que j'allais devoir prendre sur moi.
Je détestais l'homme qu'il pouvait être en étant saoul et enivré par la colère ou l'alcool, mais cet homme, celui qui te regarde avec incompréhension face à ta peur, comme s'il ne venait pas de te frapper. Celui-là, je le hais encore plus.
-Salut papa. Répond Ivann d'une voix crispée en échangeant un coup d'œil avec moi pour me dire de jouer le jeu.
Il est obligé de me donner un coup de coude pour que je réagisse enfin. Je suis devant la table basse, paralysée par la peur. Ma respiration est devenue irrégulière en peu de temps. J'en viens même à la retenir, car j'ai l'impression de respirer des lames de rasoir. J'ai les poumons déjà en feu à la simple idée de comment pourrait tourner cette soirée. Mon corps me crie de courir loin de lui, loin de tout ce que cet endroit représente.
Je déteste vivre ici.
Je déteste ma vie ici. Et la seule idée qui me traverse, la seule certitude qui me reste quand je me redresse pour voir mon père, c'est que si je ne me tue pas moi-même, c'est mon propre père qui mettra fin à mes jours.
-Bonsoir papa... Dis-je sans vraiment finir ma phrase.
-J'ai acheté de quoi manger et... Il vient vers nous l'air enjouer. J'ai acheté un film pour qu'on le regarde ensemble.
Ivann a plus de courage que moi. Il se lève et vient prendre le film des mains de mon père pour y regarder le titre.
-C'est un film d'horreur papa. Alison ne peut pas regarder ce genre de film.
Je le vois baisser les bras, décourager par notre père. Il me lance un regard de pitié qui me fait baisser la tête.
-Mais non, ce n'est pas grave ! S'exclame mon père toujours joyeux. Elle n'aura qu'à rester à côté de moi. Je la protégerais.
Je redresse la tête tout aussi vivement. Je ne peux pas être proche de mon père. Je ne me souviens même pas avoir eux le droit à un câlin de sa part un jour. Ou même un simple baiser sur la joue pour me souhaiter une bonne journée avant qu'il ne parte au travail. Ce n'est pas aujourd'hui que j'allais commencer à avoir un contact affectueux avec mon père.
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La Silencieuse |Tome 2|
AksiyonAlison Lodge va-t-elle se retrouver dépassée par les problèmes auxquels elle doit faire face pour aider les Andrews ? Plus elle s'avance vers la sortie et plus elle abandonne une part d'elle-même. Tiraillée entre l'envie de tout savoir et la peur de...