Chapitre 16

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La créature s'approchait à grands battements d'ailes. Elle descendit comme une flèche vers la barque. Kay se rendit compte à ce moment-là qu'elle était bien plus petite que ce qu'il s'était imaginé et qu'il s'agissait tout simplement d'une corneille comme il y en avait tant dans son propre monde. Ses plumes noires absorbaient la lumière des étoiles. Son vol silencieux et gracieux lui donnait l'impression de glisser sur les courants d'air nocturne.

L'oiseau tournoya un instant autour de la barque, décrivant de larges cercles dans l'obscurité. Il finit par se poser délicatement à l'avant de la barque qui tangua un instant sous son poids. Ses yeux d'un noir intense se posèrent sur Kay. Ils fixèrent le jeune homme qui se dandina, mal à l'aise. Il n'avait jamais discerné autant d'intelligence dans les yeux d'un animal qui semblait le sonder jusqu'au tréfonds de son âme.

La corneille ouvrit alors le bec.

— Bien le bonjour, lança-t-elle sur le ton de la conversation.

Kay en resta bouche bée. Ce... ce son... non, ces mots... étaient sortis du bec de l'oiseau.

— Tu... tu parles le finnois ? finit-il par bafouiller stupidement.

La corneille gonfla ses plumes.

— Je parle près de cinquante langues, assura-t-elle avec fierté. Pas toi ?

— Euh non... Je parle le danois et le finnois et je me débrouille plutôt bien en anglais. Mes parents m'ont obligé à prendre des cours de latin, mais...

Le jeune homme s'interrompit. Il n'allait quand même pas se mettre à parler linguistique avec une corneille. Il n'était d'ailleurs pas normal du tout de parler de quoi que ce soit.

L'oiseau leva une patte pour se gratter un petit moment. Peut-être avait-il attrapé des puces. Cela ne l'empêcha pas pour autant de reprendre la conversation comme si de rien n'était, très à son aise.

— Comment t'appelles-tu, mon garçon ?

— Euh... Kay... Kay Andersen...

— Dis-moi, Kay Andersen, n'aurais-tu pas quelque chose à manger que tu serais prêt à m'offrir ?

La corneille lorgna en direction du gros sac de Gerda. N'osant refuser, Kay s'en empara et l'ouvrit maladroitement. Il y trouva sur le dessus une grosse miche de pain dont il entreprit de couper des bouts pour les lancer à son interlocutrice qui les goba au vol avec des bruits de vif contentement. Elle ne s'interrompit que lorsque la miche eut entièrement disparu sans qu'il n'en reste aucune miette.

L'oiseau se frotta le bec avec satisfaction contre le rebord de la barque.

— Tu es quelqu'un de généreux, Kay Andersen. Il y a longtemps que je n'avais fait un repas aussi copieux.

Le jeune homme se tortilla, gêné. Ce n'était pas un compliment que l'on lui faisait souvent. Et à juste raison, car il n'avait rien de généreux, bien au contraire.

— Est-il donc si difficile de se procurer de la nourriture ici ?

Il songea en même temps qu'il était heureux que Gerda ait pensé à emporter des provisions.

La corneille soupira.

— Autrefois, il suffisait de se baisser pour trouver sur le sol tout ce dont on avait besoin. L'herbe était d'un vert tendre. Les fruits et les vers bien juteux abondaient. Le froid qui s'est abattu sur le royaume a mis fin à tout cela.

— Il n'a pas l'air de faire si froid ici, s'étonna Kay. En tout cas, il y a moins de neige ici que dans l'endroit d'où je viens.

— C'est parce que tu ne sais pas que nous nous trouvons actuellement en plein printemps. En cette saison, les branches et les prés devraient être couverts de fleurs et tu pourrais te dévêtir de ton épais manteau. Mais plus rien n'est comme avant depuis que ce froid s'est abattu sur le royaume.

Le Roi des Neiges [terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant