Cobaye

12 - Chili Con Carne

- Dis moi... tu connaîtrais un certain... Cole Finnigan?

Lindsey releva la tête d'un seul coup, se désintéressant totalement de son assiette de chili.

Elle s'écria quasiment à travers toute la cafétéria :

- Attends, tu t'intéresses à lui?!

- Non! Pas du tout! Oh... Baisse d'un ton, je t'en supplie...

Lindsey, que j'avais retrouvé comme prévu à l'heure de midi, me regarda avec un air mi-amusé, mi-étonné.

- Mauvaise pioche, ma pauvre! C'est un fou furieux. Je ne pensais même pas qu'il serait encore là cette année.

J'encaissais l'information, avant de lâcher de but en blanc:

- Je le connais.

Lindsey manqua de s'étouffer.

- Attends, dit-elle en toussantant à moitié, répète ça ?!

- Je sais pas, j'étais en cours avec lui, et il s'est passé un truc étrange...

- Genre?

- Je sais pas, il a heurté ma table et quand il m'a vu, on est resté figé pendant genre trois secondes à s'observer. Je lui ai demandé si on se connaissait, il a dit non et il est à moitié parti en courant.

- Trop space...

- C'est pas le plus étrange: je suis restée dans le couloir et j'ai entendu le prof lui demander mon nom. Et devine quoi?

- Accouche!

- Il le savait.

- Le mec le plus flippant du lycée connaissait ton prénom avant de te rencontrer?

- C'est dingue, hein? Et le pire, c'est que je suis sûre de l'avoir déjà vu.

- Ça dépend, peut-être qu'il était à l'école avec toi quand tu étais petite?

- Aucune chance, je n'habitais pas ici.

- Hé! C'est vrai que tu ne m'as pas encore expliqué ça ! T'es anglaise?

Bon, quand il faut y aller...

- Ouais. On habitait à Londres avant, mon frère et moi.

- Tu as un frère?

- Florian.

- Sérieux? Il a quel âge ?

- Nous sommes jumeaux.

Elle me contempla avec envie.

- J'ai toujours voulu avoir une soeur jumelle.

- C'est pas si génial que ça. Florian et moi ne sommes pas très proches.

- Comment ça ?

- On a vécu séparés toute notre enfance.

- Vos parents sont divorcés ?

Mon estomac se noua, et je me forçai à poursuivre.

- Non, mais j'ai été à l'hôpital la majeure partie de mon enfance. Problèmes de santé.

- Et il ne venait pas te voir?

- Au début, si. Mais après, il est venu de moins en moins souvent, jusqu'à ne plus venir du tout.

- Sale type.

- Je le comprend un peu. Il y a plus intéressant que d'aller voir une malade.

- M'enfin t'es sa soeur quand même. Du coup vous êtes en internat ici ?

- Non, on habite chez ma tante.

- Elle est sympa ?

- Autant qu'un crocodile avec une rage de dent.

Lindsey éclata de rire, et même moi je souris. Je ne m'étais jamais autant épanchée, et ça me faisait un bien pas possible d'avoir quelqu'un avec qui parler.

- Ouais, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle ne m'aime pas beaucoup.

Lindsey continuait à sourire.

- Pourquoi?

- Aucune idée ! Elle adore mon frère, alors, va savoir, elle cherche peut être à équilibrer?

- Tu devrais en parler avec elle! Ça sera peut-être mieux après?

- Laisse tomber : elle ne me laisse même pas approcher.

- Je sais pas... Parles en à tes parents?

J'avalais ma salive.

- Ça risque d'être compliqué.

- Ah bon? Pourquoi ?

- Ils sont morts.

Je vis le visage de Lindsey se décomposer.

- Alison... Oh mon Dieu, je suis désolée...

- Tu pouvais pas savoir.

- C'est pour ça que vous avez déménagé chez votre tante... Désolée, quel manque de tact... Écoute, je sais que je suis mal placée pour te conseiller, mais tu devrais parler à ta tante. Ça ne doit pas être facile pour elle non plus, et en discuter vous rapprochera... Mais toi, ça va?

Je hausse les épaules.

- Ça va te paraître étrange, mais ils ne me manquent pas. C'est comme s'ils n'étaient pas morts... Mais je suppose qu'une fois que je me serai fait une raison, tout ira mieux.

- Parles à ton frère. Il en a besoin, et toi aussi.

Je lui souris.

- Merci Lindsey. En un jour, tu as été plus présente que ma famille dans toute ma vie.

Elle me fait un clin d'œil.

- C'est pour ça, les amies!