Chapitre 1 : Une ombre dans la nuit

125 11 13
                                    


Le soleil caresse sa peau d'une amicale étreinte, réchauffant sa chaire si frileuse. En ces temps glacials il n'est pas aisé de se réchauffer sans feu, et malheur à lui, il n'a jamais appris l'art des flammes. Il n'en connait que le dessin, les courbes, sa chaleur, mais n'a jamais été assez studieux pour en suivre le maniement. Il fait comme il peut, avec ce qu'il a sous les mains, pour faire comprendre à son corps que ce désagrément n'est qu'une passade qu'il faut surmonter, ensemble. Il n'a jamais quitté le Nid et s'est encore moins éloigné du clan aussi longtemps. Sa soif de savoir, sa curiosité parfois maladive, l'a souvent poussé à commettre bien des erreurs et pourtant, il s'est toujours relevé, la tête haute, les idées bouillonnantes par millier.

Depuis sa naissance on lui a toujours conféré le savoir nécessaire ainsi que la connaissance précise des plantes grandissantes au sein du Nid. Pour autant, il a toujours apprécié vagabonder ailleurs. Cela n'étant pas possible dans la vie, il aimait beaucoup s'évader dans les livres. Son clan ne possède que très peu d'information sur le monde extérieur, vaste et immense, mais assez pour inculquer les bases à cet être férue de savoir.

Il n'a pas l'habitude de marcher autant, sous un soleil aussi clair. Ses yeux bleus, fragiles de naissance, distingue très difficilement les obstacles devant lui. Obligé de plisser les paupières pour voir au loin, il s'aide de l'ombre des arbres pour suivre un chemin dessiné par les rayonnements. Comme dans un conte qu'il a lu jadis, il se sentirait presque seul au monde. Guidé par son instinct, ses sens constamment en alerte, il n'entends que la douce brise voler entre les branches. Les gazouillis des oiseaux se font de plus en plus lointain. Il avance à pas prudent, mais apprécie malgré tout cette nature florissante sous ses pas. Verte, sauvage, plein de mystère, il ne reconnait pas toutes les espèces.

Soudain c'est une fleur qui attire son regard. Aux premiers abords, elle est tout ce qu'il y a de plus ordinaire. Huit pétales d'un violet très pale, une tige vert forêt longue et fine avec une finition à même le sol mousseux. Cette espèce dont le nom scientifique lui échappe poussait autrefois dans le Nid. On l'appelait "croissant de Lune" en raison de sa particularité : elle attire les rayons de la Lune comme des aimants. Une plaine remplie de son espèce pouvait éclairer n'importe quel individu dans la nuit noir. Il n'est pas du genre à sacrifier un être vivant pour son bon plaisir, mais la nostalgie l'accablant, il ne peut s'empêcher de la cueillir. Seule, tout comme lui, il se dit qu'elle se sentirait sans doute mieux avec une petite compagnie. Il la glisse dans la poche de sa chemise écrue et continue ainsi son chemin.

Il ne regarde pas derrière lui, encore moins il y laisse ses pensées. Il a prit sa décision, il a fait son choix. De son propre chef il a quitté son clan, renié les siens et son avenir au sein de la colonie. Il n'en pouvait plus d'étouffer, ses idées toujours opprimés par les autres. S'est-il d'ailleurs un jour sentie à sa place parmi eux ? Lui-même ne serait répondre à cette question. Après tout, il est en droit de vouloir son bonheur, quand bien même cela reviendrait à dire adieu à ce qu'il a toujours connu. Ce besoin de liberté, ce besoin de vivre sa propre vie, est-il en tord de vouloir cela ? Orphelin, rejeté pour sa personnalité mais utile pour son clan, il savait que son destin ne lui appartenait plus. Il suffoquait chaque jour durant, pensant à ce qui l'attendait. Une vie oppressante, sans joie réelle, sans béatitude. Il avait déjà gâché son enfance et son adolescence, respectant ces règles ancestrales : ne pas franchir les frontières du Nid.

Oui, il a transgressé ces règles et sait pertinemment le sort que peut lui réserver ceux qu'il appelait encore hier, les siens. Il part sans bagages, juste lui et ses faibles connaissances du monde extérieur. Il ne sait absolument pas ce qui l'attend, les créatures qu'il va rencontrer, les personnes qu'il va croiser. Il ne sait pas se défendre, ou tout du moins, il ne sait pas manier l'épée comme un homme, l'arc comme un elfe ou le marteau comme un nain. Même un gobelin avec une dague serait plus apte à survivre que lui avec ses maigres forces. Tout ce qu'il connait, c'est la survie. Se battre comme un animal, montrer les crocs comme un loup, griffer comme un lynx ou chasser comme un ours, c'est tout ce dont il est capable et c'est mieux que rien.

La chaleur d'un vampireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant