21 - Absence

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Boseom avait fait le tour des dortoirs pour annoncer la rotation des équipes. Jimin était de jour désormais, et conservait son poste au saignage jusqu'à nouvel ordre. Alors, quand le soleil se levait, il répandait le sang.

Le sang.

Toujours le sang.

L'omniprésence de cette sève couleur groseille le frappait d'autant plus depuis sa conversation avec Jungkook. Les jours qui suivaient celle-ci étaient d'ailleurs étonnamment calmes. Jimin y voguait paisiblement, aussi paisiblement qu'il était possible de le faire sur une mare de sang.  Mais le calme lasse quand les pensées s'enlisent.

Jimin ne pouvait s'empêcher de s'interroger sur la nature de ce liquide vital qui irriguait les veines de l'abattoir, provenant de ces bêtes destinées à mourir dans l'indifférence la plus totale. Sans parler de la nature du dirigeant. Dans l'intimité de ses pensées, Jimin se remémorait sans cesse ses paroles et ses yeux sombres chargés d'un savoir indicible.

Était-il possible que les vampires existent réellement ? L'idée s'était insinuée dans son esprit tel un ver rongeur, sapant les fondations de son équilibre mental déjà fragile. Des monstres se cachaient-ils véritablement derrière des visages humains ? Son enfance lui criait que oui ; et sa raison, l'exact opposé. Tant de questions, et personne pour y répondre. Jungkook n'était pas un vampire, plutôt un fantôme.

Malgré les efforts de Jimin pour tomber sur lui à l'abattoir et en dehors, le dirigeant demeurait introuvable. Et après une moitié de semaine passée sans le voir, Jimin songea au fait qu'il était évité. Mais il avait beaucoup de questions, et trop de doutes, pour supporter l'esquive. Il se rendit donc une nouvelle fois au sous-sol sans autorisation. Cependant, ce coup-ci, Hoseok l'intercepta face à la porte close du bureau de Jungkook.

– Il n'est pas ici et j'ignore où il est, Jimin. Tu devrais arrêter de poser autant de questions, lui conseilla-t-il avant de le raccompagner en haut du colimaçon.

Mais demander à Jimin de ne pas poser de questions était comme demander au sang d'une veine tranchée de ne pas couler. Il ne pouvait tout simplement pas s'en empêcher.

Sa visite en bas lui permit néanmoins de comprendre que Jungkook ne l'évitait pas. Non, le dirigeant n'était tout simplement plus là. Et Meonville, en son absence, tournait au ralenti. Ce n'était pas qu'une vague impression que Jimin avait ; les quotas de l'abattoir avaient drastiquement baissé. A peine quinze vaches tuées par rotations. Une aubaine pour le saigneur. Mais il aurait bien tué plus si l'inverse signifiait le voir moins.

– Monsieur Namjoon aussi est absent, lui apprit Yoongi quand ils en parlèrent ensemble au réfectoire. Le camion est plus là, j'ai vérifié.

Jimin acquiesça, dissimulant soigneusement les tourments qui le rongeaient. Il gardait en lui les secrets de Jungkook, n'avait rien osé dire à Yoongi sur les révélations qui lui avaient été faites, parce qu'il n'était lui-même pas sûr d'y croire, parce qu'il avait peur de passer pour un fou et, surtout, parce qu'il craignait que son ami religieux quitte cette ville tenue en laisse par des créatures démoniaques.

La peur de la solitude, de l'isolement, avait étouffé les mots dans sa gorge. Ce n'était ni si grave ni si dur, de ne rien dire. Jimin avait pour ainsi dire grandi de cette manière, en gardant tout pour lui et en résolvant tout tout seul.

– Tu ne l'as pas vu depuis quand ?

– Depuis le gros déchargement de vaches qu'on a eu, y a quatre jours de ça, expliqua Yoongi entre ses bouchées de riz blanc. C'est comme s'ils avaient fait le stock de barbaque sur pattes avant de mettre les voiles.

Les jours sang : l'abattoirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant