7 ◇ A Peaceful day in town

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- Denzie ! T'es à la ramasse, mon vieux. Grouille !

Denzel avance vers le pick-up avec lenteur, juste dans le but de m'agacer davantage. Le ciel dégagé se reflète sur ses lunettes de soleil lorsqu'il s'arrête quelques secondes pour lever la tête et inspirer une grande bouffée d'oxygène. Je claque ma langue contre mon palais en tapotant nerveusement mes doigts sur le volant.

- Tu gaspilles un temps précieux à faire le con, m'énervé-je.

Il m'offre une expression morne, dépourvue d'enthousiasme. Ce mec me chagrine.

- Toi et moi avons deux jours de congé. Deux jours ! Tu imagines ?

- Deux jours sans tuer des gens ? Quelle joie...

Il lance son sac à dos sur la banquette arrière tout en grimpant enfin dans le véhicule. Refusant de laisser sa morosité me contaminer, je démarre en trombe sans lui donner l'occasion de bien refermé sa portière. Nous quittons les alentours de la base en direction de Jackymeal, cette ville si prisée où nous avons pour projet de nous détendre. Moi plus que Denzel.

En entrant dans la dite ville une vingtaine de minutes plus tard, j'aperçois des publi-drones en train d'installer un panneau vidéo au bord de la route. La publicité tourne en boucle, montrant une jolie blonde qui fait voltiger ses longs cheveux. L'action s'accompagne d'un clin d'œil, tandis qu'elle lève la main pour révéler un shampoing miracle. Je ne peux m'empêcher de superposer le visage d'Esther sur le sien.

J'ai besoin d'évacuer cette emmerdeuse de mon esprit. Son discours n'a de cesse de me tourmenter, tel un océan déchaîné et létal. J'arrive encore à l'entendre me traiter de bon petit soldat et de pion sans personnalité. Si son simple souvenir m'énerve tellement, pourquoi diable ai-je envie de la revoir ?

Sentant la frustration grimper en flèche, je ne peux m'empêcher d'appuyer mon pied sur la pédale de vitesse. La vélocité devient vite périlleuse, au point où j'en oublie que je ne suis pas seul dans le pick-up.

- Tu as des choses à me dire ? tente Denzel, dépourvu d'inquiétude.

Je ralentis pour toute réponse.

- Ça va bientôt faire une demi-heure que nous sommes sur la route, mais tu n'as encore rien dit.

Je souris en coin avec une vague volonté de le rassurer.

- Je ne suis pas un moulin à paroles non plus.

- Dashiell, tu es une pile vivante. Quand t'es calme, quelque chose va mal. Alors merci de ne pas me prendre pour un con et raconte ce qui te tracasse.

Mon silence persiste, car j'ignore par où commencer sans passer pour un fou furieux. Comment lui dire qu'une fille que je suis le seul à voir m'a foutu une raclée, et que maintenant, je ne pense plus qu'à elle ?

- J'ai rencontré... une femme...

- Rien de nouveau.

Mon confident croise les bras, attendant la suite de ce récit qui ne vient pas. Je ferme les yeux brièvement en me grattant la nuque.

- Ça va te paraître dingue mais...

Je déglutis, tandis qu'il fronce les sourcils. Je me décide à lui parler d'un coup, après plusieurs secondes d'hésitation. Les mots sortent plus aisément qu'escompté : la rencontre avec Esther, le médecin qui ne se souvient pas d'elle, son discours bizarre, sa force étonnante, et enfin mon désir honteux de la revoir.

J'ai la sensation qu'un poids lourd quitte mes épaules au fur et à mesure que je vide mon sac. Denzel voit sûrement le bien que ça me fait, car il m'écoute dans un silence religieux sans sourciller ni remettre en cause ma santé mentale. Mon ego l'en remercie.

ErronéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant