-Préface-

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La pleine lune était haute dans le ciel dégagé. Sans le moindre nuage, l'image éternelle des étoiles s'étendait à perte de vue. Il était tard, et pourtant on y voyait comme en plein jour. La ville était baignée dans la lumière de sa vie nocturne et le bruit ambiant ne paraissait qu'un murmure dans l'immensité de l'univers.

Le vent glacé me lacérait les os à travers ma peau fine. Je n'étais plus rien, qu'une silhouette frêle que l'on voyait dans la ruelle longeant la route 23 de ninjago city. Je ne représentait plus qu'une pauvre clocharde sale et perdue aux yeux des gens. Les passants ne voyaient qu'une ombre à peine discernable dans la ruelle, étendue contre le mur, comme aspirée par l'obscurité. J'avais tout perdu. Mon foyer, mon importance, mes droits, et bientôt ma vie.

Un grondement retentit. Pas d'orage à l'horizon, mais mon ventre qui clamait haut et fort sa faim. Cela faisait une semaine que je n'avais rien mangé et cela se faisait ressentir. Je me sentais plus faible que jamais. Ma vision se floutait peu à peu, ne laissant entrevoir que les lumières de la rue, semblables à des petits points de lumière au loin, dansants, vacillants et se moquant de mon désespoir. Je pouvais à peine entendre les babillages des passants dans la rue adjacente et les bruits des klaxons des voitures qui étaient pourtant si fort, autrefois. J'avais l'impression de me noyer. L'air semblait me porter et je me sentais flotter. 

La situation semblait plus que perdue. Je ne savais plus quoi faire. Mon cerveau était tellement engourdi de fatigue que sa capacité à raisonner avait disparu. Si ce n'était pas aujourd'hui que mes force me quittaient, ça serait demain, ou alors le surlendemain. Quoi qu'il en soit, la fin était proche et je le savais. J'allais bientôt périr dans la famine comme les pauvres dont je me moquais il y a peu. Quel coup du destin! 

Une larme coula doucement sur ma joue. Je ne pouvais que la laisser tomber. C'était la fin. Et je n'avais rien accompli. J'allais mourir dans cette vieille ruelle déserte, seule. Personne ne serait là pour me retenir. 

C'est étrange comme la solitude m'affectait. Moi qui pensais qu'il valait mieux être seule. Moi qui avais passé ma vie à rejeter les autres et à éviter toute relation. Sur mon lit de mort, je remarquais comme j'étais seule. Personne n'assisterait à mon enterrement, si par miracle quelqu'un pensait à me chercher, et me trouvait par un autre miracle. Personne ne serait triste d'apprendre ma mort. Personne n'en serait informé, même. Je n'avais aucun proche, personne à tenir au courant si il venait à m'arriver quelque chose. 

Je m'étais enfuie de l'orphelinat une semaine plus tôt et personne n'était parti à ma recherche. En même temps, qui partirait à la recherche d'un monstre comme moi? J'ai passé ma vie seule, à repousser les rares personnes qui voulaient bien de moi. J'avais joué au tyran avec mes camarades de l'orphelinat, je les avais réduites en esclavage, j'avais pourri la vie de ces pauvres jeunes filles. Je n'étais pas une bonne personne. 

Et pourtant, je ne pouvais m'empêcher de penser à ses mots. Ses mots à lui. "Les sentiments ne sont qu'une entrave à ton développement et à ta puissance. Si un jour tu te mettais à en éprouver, tu serais perdue. Ne ressens rien. Fais taire tes émotions"

Mais j'avais tellement envie de m'excuser auprès d'elles. Elles méritaient mieux. Elles méritaient au moins des excuses. J'étais prête à leur en faire. Mais sa voix dans ma tête ne voulait pas se taire. Je devais l'écouter où je serais faible. Tout en étant au fond du trou, je continuais à apporter de l'importance à ses paroles. Il avait raison, mais à l'article de la mort, je pouvais bien céder à la faiblesse et me laisser submerger, non? 

Soudain, une odeur me parvint. Faible, lointaine, mais tout de même présente et, même s'il s'avérait qu'elle était tout droit sortie de mon imagination, elle représentait ma dernière chance. 

Feelings - NinjagoOù les histoires vivent. Découvrez maintenant