Je regardais encore ce lapin, seule depuis dix minutes dans la chambre de Kai. Sa façon d'onduler entre les arbres était hypnotisante. Je n'arrivais pas à me rendre compte de ce qu'il s'était passé. Mon accident en voiture n'était pas encore derrière moi et les séquelles se faisaient ressentir. J'avais un terrible mal de tête et je n'arrivais pas à réfléchir. Les pensées se bousculaient dans mon cerveau. C'était comme si l'état de pilote automatique dans lequel j'étais depuis le bateau s'était enfin désactivé.
J'avais fais une erreur. Je n'aurais jamais dû devenir leur amie. Maintenant, il serait déçu de moi. Il me haïrait, encore et encore, comme autrefois. J'avais beau essayer d'oublier, son souvenir me hantait, sa voix résonnait dans ma tête. C'était comme s'il était toujours là, avec moi, toujours dans ma tête à me rabâcher sans cesse ses enseignements, encore et encore, sans relâche.
Le lapin disparaissait, puis réapparaissait de derrière un fourré. Il vagabondait entre les buissons et les arbre. Des fois, il s'arrêtait pour renifler un bosquet, puis il repartait. Il paraissait heureux.
Libre.
Il pouvait faire ce qui lui chantait, au moment qu'il voulait. Il n'avait pas de règles à suivre, pas de souvenirs comme j'en avais, pas de barrière. Pas de tourments, pas de dilemme. Je l'enviais tellement. S'il ne m'avait pas enseigné tout ça, s'il avait été plus présent pour moi, s'il m'avait appris à aimer les autres au lieu de les utiliser, je n'en serais pas là, à remettre toutes mes décisions en doute chaque seconde. S'il avait su accepter les choses, comprendre que je n'y étais pour rien.
S'il avait su m'aimer.
Je le haïssais. Je détestais tout ce qu'il représentait. Sa seule pensée me donnait la nausée. Et pourtant, je ne pouvais pas m'empêcher de suivre ses leçons, de me plier à sa volonté, d'écouter n'importe quel ordre que j'avais autrefois reçu de lui. Parce que malgré toutes les choses qu'il m'avait fait subir, malgré le mal qu'il a répandu, malgré sa haine pour moi, je l'aimais.
Il ne le méritait pas, n'avait jamais été là pour moi, ne m'avait jamais adressé le moindre signe d'affection, mais je l'aimais. Je ne pouvais pas m'en empêcher. Il avait été mon héros durant toute mon enfance, il avait été la personne la plus importante dans ma vie pendant dix ans. Je ne pouvais pas le haïr. C'était trop dur.
Une larme coula sur ma joue, une seule. Je ne pouvais pas la retenir. Penser à lui me tourmentait. Je me retint tout de même d'en laisser couler d'autres, mais la première était déjà là, signe de son importance pour moi et de son impact sur ma vie.
J'entendis toquer, puis la porte s'ouvrit sans me laisser répondre. J'essuyai la larme qui coulait sur ma joue. Je n'avais pas besoin de me retourner. Je savais déjà qui se tenait dans la chambre.
-Salut, dis-je simplement.
Il ne répondit pas, mais s'approcha de moi, doucement. Une fois à mon niveau, il se mit à chercher ce que j'observais. Je n'osais pas le regarder, de peur qu'il ne discerne dans mes yeux une trace de mon tourment ou une larme cherchant à se frayer un chemin à travers le filtre que je m'étais imposé.
-C'est le lapin? me demanda-t-il d'une voix calme.
J'acquiesçai, sans un mot. Le silence me convenait. Jamais il n'était lourd ou gênant, lorsque j'étais avec lui. J'y trouvais toujours du réconfort et de la tranquillité. Je me pris même à fermer les yeux et à respirer l'air marin qui remontait du port. J'entendais les oiseaux chanter et les arbres frémir sous le vent. Je nous revoyais sur le bateau, discutant de la mer et d'autres formalités pour briser le silence, mais en profitant lorsqu'il s'installait.
Je me sentais mieux. Mes doutes étaient encore présents, mais cachés en partie par sa présence. Mon cœur me serrait, mais je n'y faisais pas attention. Je profitais juste de ce moment de calme, ignorant le tourbillon de pensées qui faisait rage deux minutes avant. Je ne pensais à rien d'autre qu'au silence. C'était reposant.
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Feelings - Ninjago
Fanfic"Lorsque le soleil disparaitra derrière l'horizon, La Lune pointera le bout de son nez. Recherche de rédemption, Sa destinée est tracée." Un soir de pleine lune, un froid entaillant les moindres muscles de la jeune fille qui était assise sur le tro...