Il était temps [Nouvelle] 🩷

*

 Elle parcourt sa penderie des yeux, rapidement, de quoi y trouver sa tenue du soir.

Elle le fait sans grand enthousiasme, à quoi bon, elle n'a aucune envie d'y aller. Depuis ce matin, l'échéance approche et elle se maudit intérieurement. D'avoir accepté cette invitation et, plus encore, de ne pas avoir eu le courage de l'annuler.

L'anniversaire d'une ancienne « amie » de lycée. Elle ne l'a jamais appréciée plus que ça et, ce soir, sa compagnie lui paraît franchement insoutenable. Sortir avec des gens qu'elle n'aime pas au lieu de ruminer ses déceptions amoureuses avec du Haagen Dazs, quel gâchis. Mais elle a dit qu'elle viendrait, elle a même confirmé récemment et le cadeau est déjà acheté. 30 euros. Un petit renne mignon qui fait de la lumière. Même ce cadeau lui paraît complètement ridicule. Elle pourrait dire qu'elle est malade, mal au ventre depuis ce matin, le chinois d'hier qui n'a pas dû passer, vraiment désolée, on remettra ça, ne t'en fais pas.

Son téléphone sonne. Lucie... Elle prend sa voix faussement enjouée, celle de quand elle joue la comédie. Coucouuuu. Oui bien sûr que je viens. On se retrouve au bar, parfait. À tout de suite ! Grimace. Elle aurait pu sortir sa super-excuse, et elle ne l'a pas fait. Lucie avait l'air si heureuse. Bon. Elle n'a désormais plus le choix. Il va falloir se replonger sérieusement dans le choix de la tenue. Même geste mécanique sur la penderie que tout à l'heure, un peu plus attentivement cette fois. Un jean. C'est bien un jean. Passe-partout. Elle choisit celui qui est en meilleur état, sans trous aux genoux. Assorti d'une marinière. Des baskets. Une veste en jean. Look urbain, cool mais suffisamment assorti pour avoir l'air recherché. Un foulard dans les cheveux viendra parfaire le tout. Elle remet de l'ordre dans sa chevelure et sur son visage. Un coup d'œil à l'horloge lui indique qu'il est vraiment temps d'y aller, et un au miroir lui indique qu'elle n'aurait vraiment pas dû se regarder.

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Le bar est plein, et tout le monde semble déjà être là quand elle arrive. Le lieu est branché, vrai bar de bobo écolo. Super. Ambiance guirlandes guinguette et plantes vertes. Une grande table est réservée, une quinzaine de convives, qu'elle ne connait pas tous mais qui semblent si heureux d'être là que son stress se décuple. Et si elle n'avait rien à leur dire, si elle passait une mauvaise soirée ? Elle pourrait toujours prétexter un réveil très matinal le lendemain, et partir plus tôt. Elle n'a qu'à dire qu'elle travaille le samedi matin à 7 h. Un nouveau marché de producteurs bio qui a besoin de monde. Génial.

— Ohhhh, Mariooooooooooon ! Tu es là ! crie Lucie, soit très heureuse, soit déjà un peu bourrée. Viens, installe-toi ! Je suis si contente que tu sois là ! On allait trinquer !

Elle la remercie en se dirigeant vers ce qui semble être parmi les dernières places libres autour de cette table.

« Il y a quelqu'un ici ?

— Ici oui, mais à côté c'est libre, lui répond un garçon à l'air aussi niais que Lucie en cet instant.

— Super !

Elle pose ses affaires et se lève commander un verre au bar. Une pinte. Si elle veut que la soirée passe plus vite, il faut qu'elle soit saoule. Et vite. La serveuse lui tend sa bière et elle retourne à sa place, en regardant son téléphone qui vient de vibrer, lui annonçant un message d'une amie souhaitant savoir si elle est libre ce soir. Peut-être enfin une échappatoire. Elle ne relève la tête qu'au moment d'arriver au bout de la table, près de sa place.

 Son regard se détache de son téléphone et croise celui d'un garçon qu'elle n'avait pas vu en arrivant. 

Son cœur loupe un battement et son cerveau déconnecte pour ce qui semble être des secondes absolument interminables.