viii.

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ce jour-là, j'ai perdu quelque chose. je pense que j'ai perdu la colère. il y a une impression de rage qui est partie, comme ça, sans même que je comprenne comment elle était arrivée ici. ce jour-là je n'ai pas écrit. alors, j'écris maintenant, dans les jours d'après. j'écris pour dire cette perte. c'est une perte de repères. si je n'ai plus la colère c'est une partie entière de mon existence qui s'en va. je n'ai plus la colère alors j'ai peur de ne plus savoir écrire. mon écriture est une forme de colère, elle demeure parce que j'ai trop à dire. et ces choses terrassantes qui veulent sortir de ma bouche, s'écraser en dehors de moi, être vomies par moi, sont analogues à la colère. si j'écris c'est parce que je ne sais pas parler — correctement. je parle en hurlant, dans les pleurs et les cris. j'ai des mots parce que je parle dans la violence et cet acharnement du corps ne peut être que dans l'écriture. alors voilà, j'ai perdu une partie de ma colère et j'écris pour signifier cette perte qui ne veut, au fond, rien dire. 

ça ressemble à la merOù les histoires vivent. Découvrez maintenant