Nos Etoiles Alignées (T1)

Chapitre 35

Dans mon lit, sous mes draps froids, je me sens seul sans la présence de Soélie à mes côtés. Elle est celle que je dois oublier pour avancer. Je dois tirer un trait sur les derniers mois passés ensemble. Je dois effacer la joie qu'elle a apporté dans ma vie. Je dois me reconstruire sans sa personnalité rayonnante. Je dois la libérer des chaînes qui me suis passé aux poignets. Je dois lui rendre sa liberté, rester avec moi la condamne à une vie de souffrance, elle mérite plus que cela. Je ne suis pas bien pour elle.

Je pensais que je pouvais l'être mais c'était avant de découvrir la vérité à mon sujet. J'étais persuadé que je pouvais la rendre heureuse mais c'était avant de savoir qu'il y a quelque chose  qui cloche chez moi. C'était avant de comprendre que j'étais mauvais et que je suis en train de le redevenir. Je le sais car c'est de plus en plus difficile pour moi de lutter contre cette petite voix qui prend tant de place dans ma tête. Cette partie de ma personnalité furieuse et qui a soif de vengeance est née dans l'ombre et prend de plus en plus d'ampleur sans que je ne puisse l'arrêter.

J'ai les mains liés et je ne sais pas comment m'en libérer. Je tente de me raisonner en me disant qu'il y a une autre issue. Il doit y avoir une autre alternative, je ne peux pas retomber dans mes vices. Je ne veux blesser personne, alors que le monstre en moi rongé par la colère ne souhaite que cela. Je suis en dualité en permanence et cela me fatigue. Cela m'épuise de me battre sans arrêt sans avoir de temps de repos. Cela m'anéantit à petits feux de rester fort pour ne pas succomber à la facilité et laisser cette petite voix dans ma tête gagner. Je sais qu'elle va finir par m'achever. La question est de connaître quand est-ce qu'elle va porter le dernier coup qui me mettra KO ?

Quand est-ce que je serai sorti du jeu et que cela sera elle qui décide des règles. Quand est-ce que je ne serais plus acteur mais spectateur de ma propre vie ? Je n'en sais rien. L'incertitude est invivable. Je suis sans cesse dans l'espoir de me réveiller chaque matin et de constater que je suis toujours moi-même et non pas une version que je méprise. Je redoute le jour où cela ne sera plus le cas. Je sais que ce jour va arriver plus tôt que je le voudrais. Je sais qu'à partir de cet instant, cela sera ma fin. Je ne pourrais plus redevenir le même garçon qui tenait à sa famille et ses proches comme si sa vie en dépendait.

Non, ce garçon aimant que j'étais devenu sera mort pour se réincarner en un être égoïste incapable de ressentir autre chose de la haine. Je deviendrai un homme bloqué dans son passé, incapable de se diriger vers un avenir radieux. Je ne veux pas que Soélie ni mes parents connaissent cet homme-là. Au final, c'est une bonne chose d'avoir mis mes distances avec la demoiselle. Je ne suis pas son lot de consolation mais son lot de destruction. Rien de bon ne peut sortir de moi. Je l'ai compris et je dois maintenant l'accepter. Je ne suis pas celui qui lui faut.

Je pensais que les étoiles s'étaient alignées pour que nos mondes se rencontrent.

Je croyais que c'était le destin de croiser sa route. J'étais convaincu que sa présence dans ma vie n'était pas un hasard mais un coup de pouce d'Akhan afin d'attraper la clé qui me donnera accès au bonheur. Et j'y ai cru. Elle a tellement illuminé et l'a rendu plus belle et plus douce que je me suis permis de rêver à être heureux. Mais je me suis berné d'illusions. Tout cela, ce ne sont que des conneries. Notre rencontre n'est qu'une mascarade. J'ai été débile de supposer que je pouvais être heureux sans qu'il y ait de conséquences. J'ai été con de penser que j'allais avoir ma happy end aussi facilement.

Non, la vérité c'est que je suis condamné à vivre une vie que je n'ai pas choisi. Une vie où je voulais mon frère à mes côtés. Une vie où mes parents ne sont pas divorcés. Une vie où nous sommes une vrai famille unie et soudé et surtout au complet. Une vie où je n'ai pas grandi dans le chagrin et la peine de ne plus le revoir. Une vie où je ne suis pas brisé. Si cela ne tenait qu'à moi, cela ferait bien longtemps que j'aurais rejoins mon frère pour faire taire la souffrance que me cause son absence. Mais cette décision impacterait ma famille et mes proches qui ont connu leur lot de tragédies. Je n'ai pas d'autres choix que de serrer les dents et d'avancer pas à pas en prenant le risque de tomber et de ne plus me relever.