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Ma vie, autrefois calme et ordonnée, bascula le jour où il franchit la porte de mon existence.
On m'avait avertie de rester à l'écart de lui, de ne jamais croiser sa route. Mais comme souvent, je n'écoutai pas.
Il était un paria, craint et rejeté, celui que j'avais toujours su éviter. Son aura sombre et dangereuse l'entourait comme un bouclier, et pourtant, quelque chose en moi ne put résister à l'attraction qu'il exerçait.
Quand mon cœur, en dépit de toutes mes résolutions, se mit à battre pour lui, je sus que le chemin du retour m'était désormais fermé. Il n'y aurait plus de retour en arrière, plus de refuge dans ma vie d'avant.
Parfois, dans les moments de doute, je me surprends à me demander : comment tout cela a-t-il commencé ?
Mais pour comprendre, il faut remonter aux origines de cette histoire.
|Lycée Edgar Poe
Je n’ai pas grand-chose à dire sur moi, du moins pas encore. J’ai dix-sept ans, et tout le reste, vous l'apprendrez en chemin.
Au sein de ce lycée, je suis celle que l'on qualifie de "populaire", celle que l'on envie en silence. En apparence, je suis la fille parfaite, celle qui semble avoir tout pour elle : la beauté, l’intelligence, une réputation impeccable.
Si cette histoire suivait les clichés habituels, je serais sans doute la méchante, l'antagoniste à abattre. Mais la réalité est plus complexe, plus nuancée, et je ne sais même pas moi-même où je me situe.
On me connaît pour mon image impeccable, ciselée par des années d'efforts. Chaque détail est maîtrisé, chaque rumeur contrôlée. Je suis celle que l'on admire, celle que l'on jalouse, mais peu sont ceux qui savent vraiment qui je suis. Mon père, une figure influente de la ville, contribue largement à mon statut. Son pouvoir est tel qu’il rejaillit sur moi, m'enveloppant d'une aura intouchable.
Mais cette perfection, si fragile, nécessite des alliés. Mes deux meilleures amies, Carla et Dayah, sont à mes côtés pour maintenir cette illusion. Carla, avec son tempérament protecteur, est la "maman" du groupe. Dayah, en revanche, est celle qui m'entraîne dans des situations moins avouables, mais c'est cette dynamique imparfaite qui fait notre force.
Nous étions là, comme d'habitude, avachies sur les casiers, échangeant les derniers potins du lycée. Quand Dayah, fidèle à elle-même, fit une remarque.
— « Regarde ces garçons qui te dévorent du regard. »
Je me retourne, les scrute un instant. Deux garçons, l'un brun, l'autre blond, discutent en m'observant, ils ne sont vraiment pas discret.
— « Putain, elle est vraiment belle ! Tu crois que je devrais lui demander d'être ma cavalière pour le bal ? »
— « T'es dingue ? Elle a déjà un petit copain. Réveille-toi, c'est mort. »
— « Ah ouais ? Dommage... »
Les filles échangent un sourire complice. Cette scène est si familière qu’elle en devient presque insignifiante.
Moi — « Heureusement qu'il n'a pas entendu, d'ailleurs. »
— « Entendu quoi ? »
La voix de Aaron, mon petit ami, brise notre conversation. Comme s’il avait le don d’apparaître dès qu’il est question de lui.
— « Oh, je n'avais même pas remarqué que tu étais là. »
Je soupire, exaspérée par cette situation qui se répète. Les filles rient doucement, mais je sais que la tension monte. Aaron se tient là, le regard lourd de reproches non dits.
Cela fait six mois que nous sommes ensemble. Six mois que je tolère ses infidélités, non par faiblesse, mais parce que notre relation sert un but précis : compléter cette image de perfection que je m’efforce de maintenir. Josh est un pion, une pièce de mon échiquier personnel. Mais avec le temps, il a fini par développer des sentiments pour moi. Et maintenant, il joue le rôle du petit ami jaloux. Une facette de lui que je ne supporte pas.
— « Qu'est-ce qu'il a dit, ce type ? »
Moi — « Rien d'important. Juste un rêveur parmi tant d'autres. »
Aaron s'avance, trop près, son regard se durcissant. Il cherche à imposer son territoire, mais je n'ai que faire de cette démonstration. Je le regarde, mon expression glaciale.
Moi — « Aaron, sérieusement, laisse tomber. »
Il hésite, les sourcils froncés, avant de reculer d’un pas. Une partie de moi reconnaît qu'il tient sincèrement à moi, mais une autre voit dans cet attachement un poids de plus à porter.
Dayah, toujours prompte à désamorcer les tensions, change de sujet. Elle parle du bal à venir, et la conversation dévie sur les tenues et les dernières rumeurs du lycée. Josh, lui, reste en retrait, jetant des regards furtifs aux garçons qui continuent de nous observer de loin.
Je fais mine de ne pas m’en soucier, mais au fond, une tempête se prépare. Pourquoi ai-je laissé cette relation prendre tant d'importance dans ma vie, alors qu'elle ne m'apporte rien de réel ? Est-ce uniquement pour entretenir cette image de perfection, ou y a-t-il un vide plus profond que j'essaie de combler ?
Alors que nous avançons dans les couloirs, une silhouette attire mon attention. Là, au bout du corridor, un garçon, appuyé contre le mur. Il est seul, les bras croisés, observant la scène avec une indifférence calculée.
Il n'est pas d'ici, c’est certain. Je ne l’ai jamais vu auparavant. Il porte des vêtements simples, noirs, mais quelque chose dans son allure dégage une force tranquille, une aura de mystère qui m’intrigue.
Aaron continue de parler, mais ses mots se perdent dans le vide. Mon regard reste fixé sur ce garçon, qui me fixe en retour. L’espace d’un instant, le monde semble se figer autour de nous.
Puis, il incline légèrement la tête, comme un salut muet, avant de disparaître dans la foule. Un frisson parcourt mon échine. Qui est-il ? Et pourquoi ai-je l’intuition que ce simple échange a scellé quelque chose d’irréversible ?
Le reste de la journée se déroule dans un flou indistinct, mais cette rencontre reste gravée dans mon esprit. Ce garçon mystérieux, croisé en silence, semble déjà marquer le début d'une nouvelle ère. Je le sais, au fond de moi : rien ne sera plus jamais comme avant.
