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Ma montre vibrait pour me signifier qu'il était l'heure d'attaquer une nouvelle journée. J'attrapais mon téléphone pendant que j'enfilais mes pantoufles lapin. J'avais des notifications partout et grimaçais.

Je m'étais encore endormie avec les poules, c'était fou, je faisais parfois des nuits de douze heures et j'avais le sentiment que ce n'était jamais assez. Mon application m'indiquait que j'avais roupillé pratiquement dix heures cette nuit, c'était ma moyenne et ça me bouffait un temps dingue.

D'un pas trainant, je me rendais à la cuisine et m'installais pour déjeuner pendant que je répondais à mes amis et que je regardais tout ce que j'avais raté.

La réponse était habituelle, j'avais tout manqué : les photos de soirées alcoolisées et les piques qui les accompagnaient, une nouvelle vidéo virale d'un être étrange à la nature non complètement déterminée qui faisait quelque chose qui dépassait l'entendement.

Ce monde était taré, il me faudrait peut-être dormir plus, même mes rêves avaient plus de sens que ce qui s'était passé ces derniers mois.

Je lançais la vidéo de la nuit et manquais m'étrangler avec ma biscotte. Un ange – magnifique au demeurant et très certainement déchu – qui découpait à la hache le bras d'un type qui semblait tout à fait normal. Mais à la vision du membre qui se reformait à la vitesse de l'éclair, je présumais qu'il n'avait d'humain que l'apparence.

Évidemment, pour avoir une idée aussi macabre, l'ange était déchu, il paraissait qu'il n'y avait que de ça, que les autres n'étaient pas là. Toutefois, cette information venait des anges déchus eux-mêmes et des démons, ce qui me laissait espérer des sauveurs aux ailes immaculés qui viendraient nous secourir de ce cauchemar.

En plusieurs mois, toujours rien, malheureusement.

Les commentaires sous la vidéo sanglante spéculaient sur la nature du supplicié. La majorité parlait de démons. Si ça en était un, il était forcément puissant, s'il était puissant, c'est qu'il avait beaucoup d'âmes, s'il avait trop consommé d'énergie pour se reconstituer, il lui en faudrait d'autres... Donc j'espérais que c'était autre chose.

Même si je n'étais pas certaine d'avoir bien saisi ce système des âmes, on n'était jamais trop prudent. Les onze gus qui nous avaient tout expliqué avaient voulu nous tranquilliser. Soi-disant, ils en avaient largement assez en enfer, ils pouvaient attendre notre mort naturelle pour se nourrir. C'était imagé, du moins je l'espérais, une histoire d'émotions à expier qui les alimentaient en énergie, ils ne nous bouffaient pas littéralement normalement... Ce n'était clair pour personne.

Toutefois, les onze princes des enfers pouvaient raconter ce qu'ils voulaient, impossible de ne pas penser au pire.

Des gens hystériques laissaient des messages sans queue ni tête, quand j'étais d'humeur, ils me faisaient rire, mais pas là. La vision m'avait retourné l'estomac. Je faisais défiler mon fil et tombais sur un partage d'Audrey. Pas de surprise, c'était le lien vers une page qui compulsait les anges. Celle-ci se contentait de tenter d'en déterminer la puissance, mais certains sites étaient assez tordus pour les classer par beauté.

C'était comme ça qu'avait été découverte l'attractivité générale de Bélial et de ceux qui le servaient. Il s'était pourtant présenté comme le prince du second cercle : la Luxure, mais c'était abstrait pour tout le monde et personne n'avait osé clamer qu'il était fortement attiré par lui. Mais force était de constater que tous les anges et les démons qui arboraient sa marque étaient les plus populaires. Malgré leur signe pas terrible, toutefois reconnaissable ; un feu surplombé par un rempart, ils étaient hypnotisants, à un point que ça en était gênant. Ressentir une attraction physique aussi primaire pour quelqu'un qui m'effrayait à en faire des cauchemars me tracassaient à chaque fois. Même en sachant que je n'y étais pour rien, je me jugeais.

NaïveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant