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      Les joueurs étaient arrivés au compte-goutte. Certains ne parlaient pas français et ils étaient coincés à Narbonne, peut-être pour toujours. Je ne savais pas combien de crédit de déplacement il fallait pour pouvoir traverser la moitié du globe, mais c'était certain qu'il leur faudrait des années. Sauf que d'ici là, pas sûr que les avions soient toujours autorisés, ils ne l'étaient déjà presque plus et que sous dérogation.

Les mines moroses que je voyais ne faisaient que confirmer mes pensées, surtout que pour le moment les déplacements pour jouer les matchs de la saison étaient autorisés en train, ça devait les faire râler de bouger pour le volley, mais pas pour rentrer chez eux. Personnellement, je savais que je le vivrais mal.

Attentive, je guettais une opportunité, sans en voir, certains se mirent à s'échauffer et d'autres à discuter avec les vieux.

— Si tu attends le bon moment pour leur parler, tu vas attendre longtemps, m'interpella une voix dans mon dos.

— Tu sais t'adresser aux gens en face ? demandai-je en me retournant.

— Tu n'as qu'à faire attention à ce qui t'entoure.

En disant ça, il me fixait étrangement des pieds à la tête avec un regard suspicieux.

— Un problème ?

— Peut-être, j'image que je saurai avec le temps.

Puis il me laissa sans un mot de plus et descendit les marches pour discuter avec un des joueurs. Prudente, j'allais au bord du terrain à mon tour. Les deux hommes se tournèrent vers moi en même temps, tout en continuant d'échanger dans une langue que je ne comprenais pas, mais ce n'était pas de l'espagnol. A priori, je m'étais trompée.

— Bonjour, dis-je mon assurance fondant au soleil.

— Bonjour, répondit le volleyeur avec un sourire en coin attendant visiblement que j'engage la conversation plus avant.

Je n'avais pas réalisé du haut des tribunes qu'ils étaient si grands, il y avait aussi des Golgoths au rugby, mais pas tous, pas comme ici et vraiment pas comme mon interlocuteur, je devais lever la tête pour pouvoir le regarder. Ses cheveux blonds en bataille lui rajoutaient des centimètres, il avait une moustache un peu désuète et des yeux d'un vert délavé.

— Je suis venue voir si certains joueurs accepteraient de faire des déplacements dans les établissements scolaires. Pour ceux en dehors de la ville, le crédit de déplacement sera pris en charge par la commune, évidemment.

— Il faudra voir avec le calendrier et le coach.

Il me le désigna d'un signe du menton qui entrait d'un pas assuré dans le gymnase.

J'avais vraiment l'impression d'être baladée alors que tout ça aurait pu être réglé par téléphone ou mail.

Alors je m'exécutais en me rendant sur le terrain et allais me présenter avec plus d'assurance et déballait mon discours déjà éculé avec l'entraîneur du RCN. Tout le long, mon interlocuteur sourit et acquiesça et je réalisais qu'il ne comprenait peut-être pas ce que je disais, mais il me détrompa vite.

— Les dates semblent bonnes, déclara-t-il avec un accent que je n'identifiais pas. Donne-moi tes coordonnées, je donne une réponse d'ici demain.

Tout ça pour ça, je pestais intérieurement et prenais le chemin de la sortie. Mais cette journée avait décidé de bien marquer son ton merdique et avant de franchir la porte, une balle rebondit violemment sur mon crâne me déclenchant un mal de tête.

Je me tournais pour voir un joueur lever la main pour s'excuser et dans la foulée j'aperçus le militaire qui me rejoignait. Il avait les manches relevées dévoilant un bras gauche entièrement tatoué, je devinais même une cicatrice qui dépassait de son béret sur le côté de son crâne. Ça ne m'inspirait que moyennement confiance.

NaïveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant