Il est tard. Il commence à faire sombre. Heureusement pour moi, je suis plutôt bien équipée. J'avais tout préparé pour cette randonnée hier soir. Je suis seule dans cette immense forêt. Je termine d'alimenter mon feu. Je devrais aller dormir.
Je suis si paisible ici. La forêt, l'odeur des arbres, de l'humidité, de la nuit. J'adore cet endroit. J'y vais depuis des années maintenant. J'aime ce vert, les sapins, le doux chant des hiboux. Cet endroit est mon paradis. J'y ai fais mes premiers pas, passé tous mes après-midi, et mes week-ends, à arpenter ces chemins mousseux, en quête de plénitude.
Cependant, ce soir, je ne suis pas à mon aise. Serait-ce peut-être l'habitude ? Ou bien le stress ? Non, rien de tout ça. C'est la forêt qui me terrifie. J'ai peur qu'elle m'observe. Je sens un lourd regard sur moi. Je n'ose pas me retourner. J'ai bien trop peur. Je tends l'oreille : j'ai d'ordinaire une ouïe assez développée. Rien, rien de nouveau, pas un souffle. J'attends dans le noir, si un bruit se fera entendre. Rien. Je ne sais pas si je suis rassurée ou non. Car si quelqu'un est là, il me voit, tenter d'écouter, comprend que je le suspecte et ne va plus respirer, l'espace d'un instant. Je suis en position de faiblesse.
Je le vois, l'objet de mon désir, éteint, préservé. La roue va tourner, ils vont payer. Rien ne me touchera plus, ni moi, ni ma si précieuse. La roue va tourner ...
Je me réveille en sursaut. J'ai rêvé. Ou bien entendu des voix ... Une voix. Je suis persuadée d'avoir entendu du bruit. Il faut très chaud dans ma tente. Je ne peux pas me concentrer pour écouter, ma respiration est trop saccadée. Et il l'a compris, celui qui me suit. Car maintenant j'en suis sûre, on m'a suivie, et si longtemps, jusqu'à même, à ma plus grande terreur, entrer à l'intérieur de ma tente.
Je me calme petit à petit, mais il a réussi à synchroniser sa respiration avec la mienne, je l'entends. Mais que faire ? Il veut peut-être me tuer. Enfin, si il le voulait il l'aurait déjà fait. Ou alors, c'est pour me kidnapper. Je dois me faire des idées. Mais il faut que je m'assure qu'il sorte. Il sait déjà que je l'ai démasqué.
Je me penche pour ouvrir le zip de ma tente, et m'extirpe dehors, le plus rapidement possible. Je suis en chaussette sur les feuilles et la boue, mais je me dois certains sacrifices. J'avance un peu, m'étire, puis lève la tête vers les étoiles et attend.
Doucement, j'entends des pas sortir de ma tente. J'avais donc raison. Que va-t-il me faire ? J'ai peur. Je l'entends s'arrêter de bouger, quelques mètres derrière moi. Je n'ose pas me retourner, bouger, ni même respirer en fait. Puis, toujours aussi délicatement, repartir se cacher dans les profondeurs de la forêt.
Prise d'adrénaline, je me jette dans ma tente, et mets un cadenas de secours à la fermeture éclair. Je ne vois plus clair à force de respirer si fort. J'allume ma lampe. Je regarde autour de moi. Rien n'a été volé, ni bougé d'ailleurs, à part ma couverture de secours, qui était maintenant au-dessus de mon sac de couchage. Je ne souviens pas l'avoir déployée.
Il l'a fait. Il m'a regardée dormir. Et m'a bordée ? C'en est terrifiant. J'ai tellement peur de me rendormir. Et pourtant il est tôt dans le matin. Je vérifie que rien d'autre n'ai bougé. Un seul truc, maintenant je n'ose plus re-bouger, car je sens quelque chose qui me dérange. Il y a quelque chose que je ne fais jamais, c'est placer mes cheveux derrière mes oreilles, surtout avant de dormir. Il m'a donc touchée. Seulement le visage, mais ça n'en est pas moins terrifiant.
Je n'avais jamais encore eu affaire à un psychopathe. J'ai eu quelques traumatismes d'enfance mais rien de plus. J'en ai tout de même une petite idée, grâce à mon grand frère, Ambroise, un enquêteur aguerri qui nourrit ma curiosité de l'horreur et des atrocités de ce monde. J'adore écouter toutes ses histoires, mais je dois l'avouer, c'est bien plus marrant quand on est sur son canapé avec son frère à côté, ce n'est pas terrifiant.
