Ouverture

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Le père de Laura était un homme travailleur. Il faisait tout pour que son commerce tienne debout et pouvait faire des nuits blanches à finir la paperasse ou à faire l'inventaire de la pharmacie.
Il s'appelait Jean et approchait les soixante ans. Il était brun avec un début de calvitie qui creusait sur son front. Les dures années auprès de sa femme pendant la maladie et l'angoisse de survivre chaque jour à tenir son affaire lui avaient valu de nombreuses rides sur le visage. Il avait un air épuisé et ses yeux gris avaient l'air éteint. Tous les jours il faisait le point sur les comptes de la pharmacie et il essayait d'anticiper le plus possible les dépenses à venir. Assis à son bureau ce matin-là, il s'attelait à cette tâche lorsqu'il entendit sa fille approcher du bureau.

- Bonjour, papa, le salua sa fille.
- Bonjour ma puce. Tu as eu le temps de manger ce matin ?
- Non pas vraiment, lui répondit-elle en s'approchant du bureau.
- Ce n'est pas bien.
- Je mangerai tout à l'heure. Et toi, je suis sûre que tu n'as encore pas dormi de la nuit.
- J'ai dormi trois heures, c'est suffisant, rétorqua-t-il.

Elle posa une main sur le bras de son père.

- Tu devrais te reposer un peu plus, s'inquiéta-t-elle. Je pourrai peut-être travailler dans le bar Néon Jack, il paraît qu'ils recherchent quelqu'un pour un mi-temps.
- Certainement pas, contesta son père . Je ne te laisserai pas aller travailler là-bas, c'est bien trop près d'un des quartiers les plus à craindre !

Le regard de son père se montra inquiet et cela fut insupportable pour Laura de provoquer une telle angoisse chez lui.

- Très bien je ne postulerai pas, le rassura-t-elle.
- Je sais que tu veux aider mais nous pouvons continuer à nous en sortir sans avoir recours à tout ça. Tu m'aides déjà suffisamment. Et tu as déjà tes cours du soir. Je ne veux pas que tu te tues à la tâche.
- Ce ne sont que des aides aux devoirs à des collégiens ce n'est pas si terrible, répondit-elle en se dirigeant vers l'entrée du bureau. Bon, il est temps d'aller ouvrir aux clients, je te laisse.

Laura ouvrit le store de la devanture puis déverrouilla la porte. Elle nettoya le sol avant de faire un peu de rangement et d'étiquetage. Les premiers clients, des habitants du quartier pour la plupart, arrivèrent. Avec l'arrivée du froid, beaucoup venaient acheter des vitamines afin de rester en forme.

La matinée se passa comme n'importe quelle autre. Au moment du déjeuner elle se relayait avec son père à la caisse et allait manger dans l'appartement au-dessus de la pharmacie. C'était toujours assez pesant pour elle de retourner dans son ancien lieu de vie car tout lui rappelait sa mère. Mais elle prenait sur elle et mangeait rapidement. De toute manière manger ne lui prenait pas beaucoup de temps car elle mangeait toujours très peu. Depuis petite, son appétit avait été moindre. Elle passait ensuite l'après-midi à tenir le magasin avec l'aide de son père. C'était ainsi une bonne partie des journées.

Laura se retrouvait assez isolée dans cette ville où elle avait pourtant grandi. La plupart de ses amis d'enfance et adolescence étaient partis ou plutôt avaient fui la ville selon son point de vue. Il lui restait une petite bande d'amis qu'elle s'était faite lors de ses premières années d'étude infirmière. Elle n'avait cependant que rarement le temps de les voir.
Elle avait tout de même un partenaire depuis un an. Ils s'étaient rencontrés il y a longtemps via des amis communs puis s'étaient perdus de vue avant de se contacter de nouveau et de se retrouver. Il s'appelait Tommy et avait son âge. Il travaillait comme assistant d'un grand chef d'entreprise, une connaissance à son père à lui. Elle le voyait au moins une fois par semaine lorsqu'ils étaient tous deux débordés sinon c'était plus fréquent. Laura se sentait très amoureuse de lui et il lui permettait de s'évader un peu de son quotidien angoissant.

C'était donc le train de vie de cette jeune femme. Une vie qui était planifiée autour de la pharmacie de son père puis de son petit-ami. Tommy lui reprochait parfois son implication dans l'affaire de son père, qu'il jugeait excessive. Laura s'efforçait de lui expliquer à quel point elle ne pouvait pas le laisser tomber. C'était le seul sujet qui pouvait amener au conflit alors ils l'évitaient le plus possible tous les deux.

La fin d'après-midi approchait lorsque le téléphone portable de Laura se mit à sonner.

ImpuissanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant