Chapitre 8 : L'Ombre du passé

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L'Académie était plongée dans une atmosphère étrange et chargée d'anticipation. Demain serait le jour de visite des familles. Les murmures persistaient, alimentant des spéculations autour du drame qui risquait de se jouer, lorsque les parents de Mortis découvriraient sa liaison qui n'était plus vraiment un secret. La connexion mystique du couple suscitait la fascination chez certains et même une certaine jalousie devant la beauté de leur histoire.

L'aura des bannis suintait, ayant pu profiter de la faiblesse temporaire de la protection. La nuit, elle se répandait dans des esprits malléables, les conditionnant, les préparant pour le bon moment. Les faucheurs, tapis dans la forêt, avaient leur sésame, ils savaient comment sortir, il leur suffisait simplement de trouver le bon levier sur lequel tirer. À travers les rêves de certains, ils avaient leur moment. La clé de leur libération était l'amour de Peter pour Mortis, ils allaient l'utiliser à leur avantage. Car il n'y a rien de tel que le désespoir pour convaincre un esprit que l'on peut l'aider.

Dans la nuit, Peter et Mortis sont tirés de leur sommeil par un murmure au niveau de leur porte. Leurs faux apparurent, une lumière pulsant indiquant une présence mystique à proximité.

Faux en mains, Peter hocha à tête tandis que Mortis ouvrit la porte, se retrouvant face à un regard d'émeraude qui reflétait la sagesse d'une éternité, mais aussi une mélancolie profonde.

« Il me semble... » commença Mortis.

« Je suis Anja.

- Mon arrière-grand-mère. Pourquoi êtes-vous ici, Ô mon ancêtre ?

- Vous êtes liés par un amour qui transcende les barrières du temps, » dit l'ancêtre d'une voix éthérée. « Mais attention, les ombres du passé se sont éveillées et cherchent à détruire ce que vous essayez de bâtir. »

Levant une main, Anja effleura celle que Mortis levait aussi.

« Je ne dispose que de peu de temps et d'énergie. »

En une seconde, l'ancêtre de Mortis lui montre ce qu'il s'était réellement passé sur le chantier où Peter périt dans sa précédente incarnation. Un amour jaloux et une trahison. Le fantôme disparaît rapidement, avant que l'alarme ne soit donnée dans l'enceinte de l'Académie.

Mortis comprit qu'une âme liée à leur ancienne vie était à l'œuvre pour leur nuire une fois de plus. Leur amour était tissé dans les fils d'un destin funeste et ils devraient se battre pour préserver leur avenir.

« Me fais-tu confiance, Peter ?

- Depuis le premier jour.

- Tu es un amour, » sourit-elle avant de s'asseoir en tailleur sur le lit, l'invitant à en faire de même. « Comme je te l'ai dit, nous avons un don dans ma famille. Lève la main et ne bouge pas. Je vais poser ma main sur la tienne. Tu vas faire le vide dans ton esprit, le vide complet, pour cela, je vais te demander de visualiser... l'Akasha. C'est un objet que nous avons en mémoire en commun. Tu vas ressentir un picotement dans la main et peut-être dans ton bras, c'est normal, c'est que nos esprits sont connectés. Je vais tenter de remonter notre histoire commune afin de comprendre les origines de la menace qui pèse sur nous. Si je gémis ou me débat ou même si je crie, n'interviens pas, ne coupe pas notre connexion. Tu pourras le faire ?

- Je t'aime.

- Reste concentré. Je vais remonter dans les méandres de nos âmes. Tu es prêt ?

- Oui. »

Mortis lève la main et la place, les picotements familiers la parcourent comme elle les a si souvent ressentis dans le passé. L'image se forme dans son esprit puis, lentement, sa main se plaque contre celle de Peter. L'image est nette, aussi réelle que si elle avait l'Akasha en face d'elle. Maîtrisant sa respiration, elle murmure une incantation connue seulement de sa famille, transmise de bouche à oreille entre détentrice du don, car seule les femme le possède dans sa famille. Il ne lui faut que peu de temps pour remonter dans l'Angleterre du XIe siècle. Sa famille était encore humaine, elle ne le serait plus au siècle suivant, à partir d'elle, Drusilla, le première faucheuse de la famille, celle qui a bâti une dynastie en épousant Piotr en changeant de pays. Le souffle saccadé, elle remonta au jour de l'accident, le revécu, sourit en voyant son mari sauver plusieurs personnes. Il avait toujours pris soin des hommes qu'il dirigeait sur les chantiers. Elle la vit, en haut sur la charpente, une ombre s'enfuyant. Elle devait remonter plus loin dans les souvenirs de Peter, mais elle revenait en boucle sur son deuil, les funérailles, les amis, ses enfants. Et l'ami fidèle, insistant, toujours présent. Elle se sentait mal à l'aise en sa présence. Mortis força son passage, elle sentit son énergie fluctuer, puis des gouttes de sueur couler sur son front. Elle se sentie aspirée dans un tourbillon. Elle avait du mal à respirer quand il lui sembla ressentir une sensation dans son esprit, comme le bouchon d'une bouteille de champagne que l'on retire. Elle se sentit soudainement calme, son esprit était simple, vide de toutes pensées parasites. Elle se contentait de cueillir des fruits, d'écraser des roches, et surtout de dessiner. Son compagnon était un chasseur, il pouvait se reproduire avec n'importe quelle femelle, mais il ne voulait qu'elle. Personne ne la touchait, elle était celle qui dessinait sur les paroies des cavernes, qui sculptait la déesse mère. Un membre du clan la convoitait, devenant de plus en plus audacieux, de plus en plus pressant, mais elle était protégée, surveillée. La seule façon pour lui de l'avoir dans sa couche était d'éliminer la concurrence.

L'Académie des faucheursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant