Chapitre 10 : L'épreuve des Ombres

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L'Académie était plongée dans une atmosphère tendue, chaque apprenti faucheur ressentant encore les échos des événements de la journée des parents. Peter est devenu le sujet de conversation sur toute les lèvres. Entre respect, crainte et jalousie. Certains étaient jaloux de sa puissance et du favoritisme qui semblait se déployer autour de lui, tandis que d'autres étaient envieux de sa relation avec Mortis. Elle n'avait jamais été aussi belle et aussi désirable, pour ceux qui la connaissaient. Elle semblait rayonner de l'intérieur. Elle qui n'était que froideur, ne cessait de sourire lorsqu'elle était avec Peter.

Le suintement maléfique continuait lentement son œuvre, manœuvrant dans l'ombre. Si Peter était à même de retrouver les passages qu'il avait empruntés pour accéder à la forêt, il pourrait constater de lui-même que ses allées et venues avaient laissé des traces psychiques sur les murs. Une corrosion était manifeste, se répandant au goutte à goutte.

Si, pour tous, les cours étaient principalement des épreuves individuelles, il n'en était pas de même pour Peter et Mortis. Ils partageaient tout, même séparé dans des pièces éloignées.

Assis à leur place, en salle de cours, tous les nouveaux se tenaient prêts à affronter l'épreuve des ombres qui se profilait à l'horizon. Ils allaient se plonger dans un rituel complexe, invoquant les esprits de leurs ancêtres pour obtenir des réponses et comprendre leur véritable nature. Pour tous, ces visions révéleraient des tragédies du passé, des amours perdus et des dilemmes moraux qui auront laissé des cicatrices dans l'âme de chaque ancêtre. Le but de l'exercice était de comprendre que les ombres du passé ne pouvaient être ignorées, mais devaient être confrontées pour atteindre une véritable compréhension de soi. Certains traumatismes actuels pouvaient trouver leurs sources dans des expériences passées.

Mortis avait de l'avance sur tout le monde, elle était déjà passée par là, aussi elle accueillit l'épreuve avec sérénité. Son nouvel état d'esprit, sa nouvelle philosophie de vie était intimement lié à son expérience. Remonter la piste de son amour pour Peter à travers les époques et ses vies passées l'avait transformée, la rendant plus humble, presque humaine dirait Peter. Elle avait ressenti en son propre sein la douleur de l'enfantement et la joie qui accompagne la délivrance alors que ses enfants criaient leur arrivée dans le monde. Elle avait vécu la perte de l'être aimé, la mise en terre et le veuvage. La résilience de se relever pour ses enfants. Elle avait vécu la difficulté du travail et sa nécessité pour survivre. Mortis avait tout raconté à Peter dans les moindre détails, mais à présent, se tenant à ses côtés sur le chemin des mémoires antérieures, il revivait tout lui-même mais de son point de vue, chaque mort, chaque amour, chaque bonheur. Se tenant la main en évoluant dans cette dimension éthérée, les deux amoureux pouvaient intimement ressentir les émotions de leurs ancêtres, pris dans les rets des ombres. Mortis serra un peu plus fort la main de Peter lorsque sa plus ancienne incarnation avança une main fantomatique hésitante vers eux, l'autre main protégeant son ventre. Il n'était pas nécessaire de parler, l'une et l'autre se comprenait instinctivement. Des larmes coulaient le long des joues de Mortis. Elle tendit son bras, rejoignant celui de l'Ombre du passé, se concentrant de toutes ses forces, puisant à même l'énergie de Peter pour parvenir à une connexion à travers l'espace et le temps. C'est alors qu'elle comprit, pendant les quelques secondes que durèrent le contact, alors que son ancêtre regardait sa main avant de la porter sur son cœur, avant de parler. Les mots ne signifiaient rien pour Mortis et Peter, mais le geste avait une portée universelle.

L'épreuve s'arrêta alors que la dimension éthérée s'estompa lentement.

Mortis était épuisée mais heureuse.

« Tu vas bien ? » murmura Peter en se laissant tomber sur son bureau, en nage, ressentant cruellement le besoin de changer de vêtements, alors que son t-shirt lui collait à la peau.

L'Académie des faucheursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant