J'avais décidé de rester debout pour lutter contre le sommeil. J'avais trop peur de ce que mes rêves pouvaient m'apporter. J'étais douloureusement consciente des corps endormis dans la pièce. Du souffle doux des dormeurs près de moi. Souffle qui déplaçait semble-t-il des montagnes de vent glissant sur mon corps enfiévré, dénichant le moindre recoin à caresser. Le tissu de ma chemise semblait plus rêche qu'à l'ordinaire, frottant contre le bout de mes seins au moindre mouvement imperceptible. Je mourrais de chaud, confinée dans cette chambre fermée. J'étais en train de me perdre dans les sensations que l'impulsion faisait naître en moi.
Soudain, un corps se colla contre le mien, me plaquant au mur avant que mes jambes ne cèdent. Eyluc. Il avait bougé si silencieusement, j'étais si concentrée, que je ne l'avais pas entendu ni vu venir. Les autres dormaient toujours. Une mâchoire bien dessinée, mal rasée, frottait contre ma tête, mais il refusait de me regarder. J'agrippais sa puissante musculature, perdue dans son odeur d'homme. Impossible que ce fut le jeune homme – le gamin – qui m'accompagnait depuis le début de l'aventure. Et pourtant. La chaleur était montée en moi d'un coup, ruinant mes résolutions de m'en sortir seule. Je n'avais plus qu'une envie ! L'alarme dans ma tête qui me hurlait à tous va les dangers d'une telle entreprise semblait enfermée dans du coton, incapable de trouver une partie de moi réceptive à leurs avertissements. Toutes les fibres de mon être étaient tournées vers ce corps qui m'écrasait contre le mur. Sa cuisse entre mes jambes était une torture à elle toute seule. Sa main dans mon dos, un foyer incandescent que je mourrais d'envie de sentir sur d'autres parties de mon corps. Sans compter la rigidité pulsant contre mon ventre. J'étouffais mon souffle dans sa chemise clairement devenue trop petite, tandis qu'il attrapait ma main et la guidait.
Ce ne furent jamais que mes doigts qui eurent raison de mon corps, déclenchant le feu d'artifice au terme d'une longue montée douloureuse de plaisir. Guidée par sa main, j'avais lâché prise depuis longtemps, lorsque, pour étouffer le bruit, il m'embrassa, profondément, passionnément, me coupant le souffle.
Lorsque mes sens revinrent, que mon souffle s'apaisa, il retourna contre son mur et s'assit, les jambes ramenées contre son inconfort. Je me laissais glisser à terre, épuisée. Les sensations induites par la pression magique se faisaient plus sourdes, moins vives. Je sentais les cernes qui pendaient sous mes yeux. La lumière changea délicatement, l'aube approchant à grands pas. Nos compagnons s'éveillèrent. S'ils remarquèrent le changement ils ne dirent rien.
Un grondement sourd suivi d'un grand tremblement des murs nous réveilla tout à fait. Un tir de canon ? La forteresse d'Orloos était-elle attaquée ? La coïncidence semblait trop grande. On entendit des bruits derrière la porte avant qu'elle ne s'ébranle sous des coups de butoir.
- Luc ? Luc T'es là ?
Eyluc se redressa d'un bond.
- Par le ciel, Osreik oui ! Défonce-moi cette porte !
- Ecarte-toi alors, ça va faire mal !
Nous eûmes juste le temps de nous réfugier dans le coin opposé que la porte explosait en mille fragments, livrant passage à une montagne de muscles tatouée d'un narval noir sur le pectoral gauche.
Sa voix profonde et grave résonna en moi, réveillant un brasier que je pensais éteint.
- Par ici les jeunes, faites attention où vous marchez.
Cela se battait dans les couloirs. Partout, des uniformes de la Flotte royale, en blanc et bleu liseré d'or se battaient avec les pirates d'Orloos. Que faisait Eyluc avec cette engeance ? Une fois cette affaire terminée je n'avais pas vraiment intérêt à rester dans les parages. Je n'étais pas exactement blanche comme neige. Le dénommé Osreik nous fit descendre jusqu'à la plage où les soldats avaient débarqués. Pendant le trajet je n'avais cessé de froncer les sourcils, tentant de décoder la conversation qu'Eyluc avait à voix basse avec le géant. A un moment, il me regarda en coin, son sourire insolent sur les lèvres. Non, ce n'était qu'un gamin, mon esprit avait dû me jouer des tours cette nuit, lorsque la pression avait gagné la bataille. Malgré ses 19 ans, il n'avait pas un poil de barbe sur son menton pointu, et ses yeux pétillaient de la prochaine ânerie qu'il pourrait bien trouver à faire.

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La fin d'Orloos.
FantasiaLe Capitaine Orloos est recherché à travers les sept mers et même au delà. Après une longue chasse à travers les Océans, le Capitaine Oshara a trouvé son repaire. Malheureusement Orloos lui est tombé dessus avant qu'elle ne puisse avertir la marine...