- Allez ! Lève-toi ! Ça ne peut plus durer !
Un grognement, voilà bien la seule chose qu'on entendit. Cela faisait déjà trois longues semaines que je restais emmitouflée dans mon plaid, me nourrissant exclusivement de repas micro-ondables et ne prenant des douches qu'une fois que mes cheveux semblaient trop gras.
- Lisa ! Il faut que tu sortes! Viens on va se balader ? Je te paye un milkshake ?
Un claquement de porte fut l'unique réaction que sa phrase provoqua en moi. L'individu horripilant ne voulant pas accepter ma dépression répondait au prénom de Maximilien. Un simple pote qui se croyait tout permis dans ma vie depuis qu'il m'avait avoué ses sentiments. Sentiments absolument pas réciproques, ni aujourd'hui, ni demain, ni les huit derniers mois.
- Laisse-moi tranquille. Je veux dormir.
Je hurlais de ma chambre, dont j'avais volontairement fermé l'entrée avec fracas. L'embrasure s'ouvrit et me révéla que l'intrus n'avait pas encore dit son dernier mot. Je haïssais cette faculté qu'il avait à ne jamais comprendre quand il était de trop.
En passant la main dans mes cheveux, je pris conscience que la douche hebdomadaire avait été loupée. Une épave, voilà ce à quoi je ressemblais depuis trois longues semaines, si ce n'était plus.
Mes magnifiques boucles rouges entretenues jadis par une coloration bi-mensuelle, n'étaient plus qu'un amas de nœuds et de gras, tenant tête à la gravité.
L'homme debout devant moi, quant à lui, était banal. Il était l'ami typique d'une sitcom, celui que l'on oubliait à l'arrivée du beau héros ténébreux. Pas très grand, pas très intelligent, désagréable avec toute personne du sexe opposé montrant un peu trop d'intérêt à mon égard. Banal, voici bien le seul mot qui aurait pu qualifier Maximilien.
J'étais de nouveau allongée dans mon lit, enfouie sous un plaid aussi sale que moi, avec une bouteille d'Ice Tea comme simple nourriture. Sur mes genoux, un ordinateur se dressait fièrement, attendant que je finisse un nouveau chapitre de mon roman.
Je vis l'homme aux cheveux hirsutes et au teint bronzé commencé à fouiller dans ma minuscule penderie à la recherche de vêtements propres. Fier de lui, il se retourna face à moi, tenant entre ses doigts un débardeur et un pantalon rose, agressant les yeux de quiconque oserait les regarder trop longtemps.
- Oui ? Mais encore ?
Un ton désagréable, une œillade meurtrière emplie de jugement, je n'avais que ça à lui offrir depuis des jours, et pourtant il revenait sans cesse. Peut être avait il le syndrome du héros. Pensait-il sauver une princesse de sa tour pour ensuite l'épouser ? Pourtant une part de lui devait se douter que je finirais par l'éconduire une fois de plus.
J'avais décidé depuis cinq longs mois de tirer un trait sur les hommes. Le sexe pour du sexe d'accord, mais plus jamais de relation. Cela ne menait à rien d'autre que des séparations et des tromperies. Quand ce n'était pas les deux en même temps.
- On va en tournois demain !
- Ah bah oui, évidement...
Je haussais les bras, montrant implicitement mon état et le sien, pour essayer de lui faire comprendre la stupidité de son idée. Le seul endroit où j'irais serait certainement ma salle de bain, et encore je n'en étais pas pleinement convaincue.
- Lisa, ça fait trois semaines que tu es dans cet état, tu ne peux pas rester comme ça indéfiniment.
- Je suis auteur, on s'en fou de savoir à quoi je ressemble du moment que je finis mon livre.
- Moi je sais à quoi tu ressembles et ce n'est vraiment pas beau. Il faut que tu bouges ton cul. Demain ça va te faire du bien de sortir je te le promets.
Je soufflai tout en refermant mon ordinateur pour le laisser traîner dans mon lit. Je me levai, tout en faisant attention à le bousculer et rejoignis ma cuisine. Faire comme s'il n'existait pas était ma seule arme contre lui. Peut être comprendrait-il que je ne voulais plus le voir, et que sa visite était une fois encore inutile ? Pourtant j'en doutais énormément.
- Je n'ai pas d'argent pour les frais d'inscription, rétorquais-je.
- Je les ai déjà payés.
- Je n'ai pas de covoiturage pour y aller.
Je cherchais la moindre raison qui me sauverait d'une journée complète entourée de foule, entourée de gros mec lourds qui passeraient leurs temps à penser qu'en tant que femme je n'ai pas ma place dans un tournois.
- Je viens te chercher et je te ramène, autre chose ?
Je sortis ma tête du réfrigérateur pour lui faire face, j'étais dépitée et il devait le lire sur mon visage car il sourit sincèrement. Il avait quasiment gagné cette bataille. Je sentais ce petit ange sur mon épaule me susurrer qu'une sortie était peut-être un premier pas vers un rétablissement.
- Je n'ai pas de jeu.
- Si, il te manque cinq cartes et je te les prête ? On est bon ?
- Si, je dis bien, SI, je viens. On est d'accord, que tu ne viendras plus me déranger pendant au moins deux semaines ? Plus de visites, plus d'appels, ni de messages. Plus rien, on est d'accord ?
Pour donner du poids à mes paroles, je repoussai une fois encore la porte du réfrigérateur violemment et pointa mon doigt vers lui, menaçante. Il réfléchit, caressa sa barbe peu soignée composé de bien trop de trou pour être séduisante, puis il finit par ajouter :
- Je serai sur ton parking demain à huit heures. Bisous.
Un baiser bien trop long pour n'être qu'amical vint s'écraser sur ma joue et il partit s'en demander son reste.
Une journée de sociabilité et je serais tranquille pendant plusieurs jours. Un petit sacrifice, pour la liberté et la paix. Pourtant l'idée de sortir de chez moi, devoir sourire et dire bonjour à des gens me paraissaient cher payé.
Trois longues semaines que je n'avais vu personne en dehors de ma colocataire dépressive, et de Maximilien. Même mon livreur de courses avait la consigne de laisser les paquets sur mon paillasson.
- Une simple journée Elizabeth, tu peux y arriver.
Un dernier regard vers la tenue fièrement posée sur le dossier de ma chaise et un soupir s'échappa de mon corps. Une journée. Une petite journée. Quelques heures.
- Peut-être qu'il a raison. Peut-être que ça me fera du bien, qui sait ?
J'essayais de me mentir à moi-même. Il y à cinq mois l'homme avec lequel j'avais passé un long mois à parler tous les jours, à appeler, à apprécier avait fini par m'annoncer que le superbe weekend que nous devions passer ensemble était annulé car monsieur s'était fiancé. Depuis, la descente aux enfers avait débuté.
J'avais tout d'abord arrêté de sortir le soir, puis tout court, puis je m'étais négligée. Et désormais cela faisait trois semaines que je me cachais derrière l'excuse de l'écriture pour ne plus sortir.
Un simple regard à l'heure sur mon téléphone, m'informa qu'il était dix huit heures. Un seul programme pour la soirée : écrire et regarder un épisode de Desperate Housewife avec ma colocataire. Comme tous les jours.
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Au cœur de notre tempête
Storie d'amoreElizabeth s'était promis de ne jamais retomber amoureuse d'un homme, encore moins d'un connard arrogant. Désormais, les hommes elle s'en sert et les jette. Mais lorsque monsieur parfait débarque dans sa vie, tous ses plans se bousculent et elle se r...