Chapitre 4 : où le Roi sans couronne se fait connaître

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- Tu parles sa langue, Ghib ?, s'étonna le "roi". 

(Le terme de "roi" me paraissant bien prestigieux pour un si jeune homme, qui plus est se trouvant dans une situation si lamentable au fond d'une geôle si immonde, je répugne pour l'instant à l'utiliser autrement qu'entre guillemets et préfère prévenir mon lecteur qu'il est fort probable que je recoure également au terme de "roitelet", qui peut désigner tout à la fois un roi de peu d'importance ou un oiseau minuscule et qui me semble parfaitement adapté ici.)

- Je n'en connais que quelques mots, sire. Il parle en Klhy', l'ancien langage codé qu'utilisait l'état-major militaire. On en apprend encore quelques tournures faciles à l'École de Guerre. 

- Seulement quelques tournures ?

- Oui, et seulement par pur amour de la tradition. En réalité, ce code ne peut plus servir depuis des siècles. Nous n'en avions aucune trace écrite et les seuls capables de le parler sont morts pendant le Grand Massacre, quand tout l'état-major a été décimé.

- C'est bizarre, dit Switello, parce que celui-là ne parle que comme ça. Mais je suis étonné, on dirait qu'il va nous épargner son blabla. On a de la chance.

Ghib se gratta la tête en regardant interloqué l'homme masqué qui avait repris sa position en tailleur et, de nouveau muré dans le silence, fixait ses pieds.

- En tout cas, il connait le salut aux généraux. Il a dû me reconnaître, ou au moins reconnaître mon grade.

- Mais alors... si toi t'es vraiment le genre de général devant lequel les gens se prosternent..., s'écria Switello, qui allait de surprise en surprise. Alors toi... Est-ce qu'il est possible que... Tu sois vraiment...?!

Le roitelet se contenta d'un petit sourire en coin et laissa le soin à Ghib de répondre d'une voix de stentor :

- Sachez messieurs que vous vous trouvez en face de Rakyam Ier, fils de Valaad le Preux, Souverain des Terres du Nord et des Mers du Sud !

Switello tomba aussitôt à genoux.

- Le Roi sans couronne !

- ... Euh. Oui, aussi connu sous le nom de "Roi sans couronne". 

- Je préfère tout de même "Souverain des Terres du Nord et des Mers du Sud", intervint l'intéressé. Allons, allons, mon brave, inutile de faire tant de manières. Après tout, je n'ai pas de couronne, comme vous l'avez aimablement rappelé. Levez-vous. Et j'en profite pour vous présenter le général Teodus Ghib, le héros de Lèpan, le bourreau des Amalytes, le sauveur du Valh Blanc et le plus fidèle serviteur de ce royaume. 

- Mais ça fait deux ans que tout le monde vous croit morts ! L'autre usurpateur ne vous a pas tranché la tête lui-même après votre défaite à Catselbro ? 

- Cela fait déjà deux ans depuis Catselbro ? Bigre, comme le temps passe... Et bien non, personne ne nous a coupé la tête. Comme vous pouvez le constater, le cou de Ghib est assez résistant.

- Et je ne laisserai personne effleurer le vôtre, sire !, tonna Ghib. 

- Ça ne les a pas empêché de vous jeter dans cette cellule. D'ailleurs, comment est-ce qu'ils s'y sont pris pour vous maîtriser alors que vous êtes assez fort pour arracher ces chaînes du mur ?, s'enquit Switello.

Ghib, honteux, se racla la gorge avant d'admettre qu'ils n'avaient eu besoin que d'un seul homme.

- Mais il ne m'a pas eu par la force, ça non. Par les dieux, personne sur cette planète ne peut prendre le dessus sur moi dans un combat honnête au corps à corps ! J'ai été victime d'un sorcier, un spécialiste de magie noire... Un homme d'une maigreur squelettique mais immense, plus grand encore que moi. Je n'ai pas eu le temps de bien voir son visage, qu'il cachait sous une capuche pourpre, mais ses yeux jaunes brillaient pendant qu'il psalmodiait son sortilège... Je suis moi-même protégé par ma propre magie qui, outre la force qu'elle me confère, me permet de guérir de mes blessures en quelques minutes seulement mais cette magie n'a rien pu faire contre la sienne... Et si je peux effectivement arracher mes chaînes du mur, cela ne m'est d'aucune utilité puisque je ne peux pas m'en éloigner de plus d'un pas. Probablement un autre sortilège de ce maudit mage... 

- C'est incroyable..., souffla Switello. Je croyais que ce type de magie n'existait que dans les histoires qu'on raconte aux marmots... 

Drisberg lâcha un instant son bout de charbon et, tout en s'essuyant les mains directement dans sa barbe, le détrompa :

- Oh non, elle existe bien et ce mage noir la maîtrise sur le bout des doigts. C'est moi qui lui ai tout appris.

Puis, ignorant les regards des autres, il se tourna vers le roi sans couronne :

- Par contre, il y a quelque chose qui m'échappe complètement... Sire, pouvez-vous m'expliquer un peu plus ce que c'est qu'une "allumette" ?


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