Boule, Ludivine, le champignon parleur et la créature des bois

Deuxième épisode du conte Twitch : Hurlements dans les bois

Ludivine, furetant dans une belle portion de mousse verte, se retrouva nez à nez avec une chose étrange, qu'elle n'avait jamais vue. Elle appela Boule. Tous deux examinèrent la chose, et Boule, finalement, déclara : "Mais c'est un champignon !" "Tu es sûr, Boule ?" demanda Ludivine, car elle n'avait jamais vu de champignon de la sorte. Boule, lui non plus, n'en avait jamais vu de la sorte, et, pourtant, on ne pouvait s'y tromper, à la forme du pied comme du chapeau de cette chose, c'était bien un champignon.

"Est-ce qu'on le cueille, Boule ?" demanda Ludivine. Son frère, perplexe face à ce champignon inconnu, réfléchissait intensément. Il plissait les yeux, se mordillait les lèvres, se grattait le nez et de longues veinules apparaissaient sur son front, tandis qu'une légère fumée se mit à sortir de ses oreilles. "Alors, Boule ?" insista Ludivine. "Cueillons-le, proposa-t-elle, puis l'on demandera au vieux sage s'il est comestible ou non." Boule, toujours en pleine réflexion, renchérit : "Oui, mais si jamais il est toxique et que l'on s'empoisonne rien qu'en le touchant ? Hein !" Sa toute petite sœur lui rétorqua : "Tu réfléchis trop, Boule !" et elle tendit la main pour le cueillir.

Une voix de stentor arrêta son geste : "Que fais-tu, malheureuse ?" La petite fille répondit : "Eh bien, je cueille un champignon, pardi !" Puis, après une pause : "Qui me parle ? D'où vient cette voix ?" Et, en posant ces questions, Ludivine comme son frère se tournaient de çà de là, cherchant du regard l'origine de ces paroles. On leur répondit immédiatement, et deux fois plus fort : "Comment ? Qui je suis ? Ai-je bien entendu ? Deux misérables vers de terre osent me poser cette question, à moi ?" Un grand silence se fit dans les bois, et l'on n'entendit plus un seul bruit. Les deux enfants n'avaient pas bougé. Boule fulminait, une épaisse fumée noire sortant de ses oreilles. Ludivine, quant à elle, d'une toute petite voix, osa : "Et qui es-tu donc, alors ?" La voix de stentor, furieuse, hurla : "Je suis le grand tout ! Je suis l'esprit des bois ! Je suis la puissance tellurique qui fait vibrer le grand cosmos. Misérables petits vers de terre ! Comment osez-vous me déranger ? Toutes les créatures des environs, vivantes, végétales, minérales, toutes, ici, m'obéissent ! Et deux petits vers de terre de rien du tout osent me déranger ! Si vous ne déguerpissez pas sur-le-champ, je vous transforme en limaçons !"

A ce mot de limaçon, la fumée cessa de sortir des oreilles de Boule. Il y eut comme un éclair dans ses yeux, et, très lentement, avec une infinie précaution, il se baissa en s'approchant du champignon, tandis que Ludivine le regardait faire. Il approcha son index potelé du chapeau du champignon et s'apprêta à le toucher. La voix, alors, hurla avec une puissance telle qu'une énorme bourrasque se déclencha, faisant trembler la frondaison des arbres : "Pas touche ! Pas touche, ignoble petit ver de terre ! Comment oses-tu essayer de toucher le maître des forêts, la splendeur de ces lieux ? Tu tiens vraiment à devenir un limaçon, pauvre fou ?"

Boule, un très fin sourire aux lèvres, avança pourtant le doigt et...