Quatrième épisode du conte Twitch : La champi-danse

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Puis, penchant celui-ci, le champignon révéla deux yeux aux pupilles dilatés par la colère, un petit nez tout pointu et frémissant, sur lequel poussaient quelques poils noirs et fiers, et une bouche qui s'agitait si rageusement qu'il paraissait impossible que des mots articulés, plein de sens, n'en sortent. C'est pourtant ce qu'il advint : " Maudits ! Mille fois maudits ! Cent mille fois maudits ! Mille milliards de millions de fois maudits ! Vous avez vu mon visage, bande de microscopiques vermicelles de rien du tout ! De rien du tout !"

Boule et Ludivine, effrayés par ces imprécations, se regardèrent, et l'espace d'un instant, on aurait pu croire  qu'ils allaient éclater de rire. Mais le champignon, ivre de rage démente, les agonissait d'un tel flot de malédictions que leur frayeur commença sérieusement à croître. "Monsieur champignon, implora Ludivine, que devons-nous faire pour calmer votre fureur ?" Celui-ci, immédiatement, comme si la jeune fille venait de prononcer une formule magique, se rasséréna. "Bon. Bon ! Bon ! Bon ! Si vous acceptez platement, tels les misérables vermisseaux pathétiques et coupables que vous êtes, de vous excuser, peut-être vous donnerais-je le moyen d'obtenir mon pardon. Peut-être, éventuellement. Nous verrons. Et je préfère vous prévenir : il est très difficile à obtenir."

Boule, d'une voix atone, accepta le premier sa requête : "Je suis désolé, monsieur champignon. Je ne pensais pas à mal." Ludivine renchérit : "Moi aussi, monsieur champignon. Je suis sincèrement désolée." Le visage courroucé de celui-ci se calma alors du tout au tout. "Très bien, j'accepte vos très plates et très profondes excuses, misérables petits homoncules. Sachez toutefois que pour des fautes bien moins graves, de misérables petits asticots tel que vous n'ont jamais remis les pieds hors du bois. Mais passons ! Il faut savoir être magnanime. Tel est le cours des choses, quand on dispose de grands pouvoirs comme moi."

Ludivine, sur le visage de laquelle passa un rayon de joie, demanda : "Nous sommes pardonnés, alors, monsieur champignon ?" "NON !!!!!" hurla derechef celui-ci, dont le chapeau, en un quart de second, était devenu rouge comme une tomate. "Et puis quoi encore, misérables cloportes ?! Pour être pardonnés, maintenant que vous vous êtes excusés, il vous faut passer l'épreuve de la champi-danse..."

Ludivine écarquilla les yeux : "La champi-danse ?" Boule écarquilla deux fois plus grands les yeux : "La champi-danse ? Qu'est-ce que c'est que ça, la champi-danse ?" Le champignon prit un air pénétré et mystérieux : "Oui, la champi-danse. C'est une épreuve terrible, abominable, folle, hallucinante, unique, dont très peu parviennent à bout. C'est la champi-danse..." Et il se tut, regardant alternativement l'un puis l'autre enfant dans les yeux, tandis que son chapeau paraissait grossir, les poils noirs de son nez gigoter, et sa bouche, pour une fois, cesser de se mouvoir. Le frère et la sœur, se tenant coi, attendaient la suite. Finalement, comme le champignon gardait sa pose énigmatique, Boule demanda : "Mais qu'est-ce donc que la champi-danse, monsieur champignon ?" et, en même temps, les lèvres de Ludivine avaient bougé, formulant silencieusement la même question. 

Leur interlocuteur, au bout d'un long moment, répondit : "La champi-danse... est une danse !"

Boule, Ludivine, le champignon parleur et la créature des boisWhere stories live. Discover now