Boule, un très fin sourire aux lèvres, avança pourtant le doigt et, après avoir tapoté plusieurs fois sur le chapeau du champignon, descendit ce doigt ainsi que son pouce vers celui-ci, puis, d'un geste rapide, expert et sans pitié, cueillit le champignon.
Un grand silence se fit. Plus de vent, de bruits d'oiseaux, de légers petits sons : les bois, tout à coup, s'étaient tus. Boule se tenait courbé, le champignon à la main, craignant une quelconque catastrophe. Ludivine, craintive également, s'était cachée derrière les jambes de son frère, d'où elle pointait juste le bout du nez afin de voir ce qui allait se produire. Il ne se produisit rien du tout.
Un moment s'écoula, lors duquel Boule et Ludivine, peu à peu, retrouvèrent leur tranquillité. Mais, à nouveau, celle-ci fut mise à rude épreuve car la même voix que précédemment, ce coup-ci, non pas de stentor, mais de petite souris, s'adressa à eux : "Tu me chatouilles, espèce d'idiot !" s'exclama-t-elle, sans que les deux enfants ne surent si c'était de fureur ou d'amusement.
Boule, tournant la tête de tous côtés, demanda : "Qui nous parle ? Montre-toi, à la fin !" "Mais enfin, lui fut-il rétorqué sur-le-champ, tu me tiens entre tes doigts, gros bêta !" Alors, plein de stupeur, quoique ce soit une toute petite stupeur, puisque Boule et Ludivine n'étaient encore que des enfants et que ceux-ci sont plus réceptifs au merveilleux, comme tout le monde le sait, alors, le frère et la sœur, très amusés, s'écrièrent d'une même voix : "Mais c'est le champignon ! Il parle !".
"Bien évidemment que je parle, pauvres petits ânes ! Et non seulement je parle, mais je mords, aussi !" et, joignant l'acte à la parole, il se mit à mordiller frénétiquement les deux doigts qui lui servaient de geôlier. Boule et Ludivine, interloqués, regardaient cet étrange champignon, qui ne ressemblait à aucune autre variété, se démener contre les doigts potelés du petit garçon, sans que celui-ci ne ressente aucune douleur, pas même le moindre pincement.
Ludivine, finalement, lui demanda : "Monsieur champignon, comment pouvez-vous mordre si vous n'avez pas de dents ? Comment pouvez-vous parler si vous n'avez pas de bouche ? Comment pouvez-vous nous voir si vous n'avez pas d'yeux ?" "Mais enfin, répondit celui-ci, absolument hors de lui, bien sûr que j'ai des yeux, une bouche, des dents, et même des oreilles, un nez, et tout ce qu'il faut !" "Mais alors, repartit Ludivine, où sont-ils ? Je ne les vois pas !" Et, en effet, cet habituel attirail était invisible aux yeux des enfants. "Si tu ne les vois pas, c'est parce que tu ne regardes pas où il faut !" hurla le champignon, dont la voix commençait à s'altérer à cause de son extraordinaire fureur, faisant trembloter jusqu'à son chapeau.
Puis, penchant celui-ci...
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Boule, Ludivine, le champignon parleur et la créature des bois
FantasyUn frère et une soeur, deux enfants Leur mère La forêt Le champignon parleur Un petit garçon étrangement inquiétant