Abuela

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Camelback East, Phoenix, Dimanche, 12h.

Comme chaque dimanche, lorsque je ne travaille pas, j'accompagne mama et Nick chez abuela. Le trajet ne dure jamais bien longtemps. Une petite demi-heure pendant laquelle, je profite de la voiture de Nick pour perfectionner ma conduite. Mama sur la banquette arrière se moque quand celui-ci commence à me mettre un peu trop de pression parce que j'oublie de mettre le clignotant, ou parce que je ne garde pas mes mains à dix heure dix sur le volant. J'ai eu mon permis. Mais pour lui ça ne veut rien dire. Il adore jouer de son boulot pour me faire peur et que je respecte ses indications. Sa phrase préférée : " Si tu continues à en faire qu'à ta tête, je te retire ton permis". Souvent quand il commence à la sortir, je sais qu'il perd patience et que ça va me tomber dessus. Je sais qu'il a le pouvoir de mettre sa menace à exécution. Même si pour l'instant, il ne l'a jamais fait. Donc après quelques grognement, j'applique ce qu'il me dit.

Je gare la voiture devant l'entrée d'une petite maison, dont le terrain est délimité par des murs bétonnés. A première vue, elle ne paye pas de mine. Cependant, à l'intérieur règne un esprit de convivialité et d'amour.

Ma mère me tend l'énorme gâteau qu'elle a préparé à l'avance pour le dessert. Tandis qu'elle récupère avec Nick les chaises qu'on a rapporté, dans le coffre.

Assis sur la chaise à bascule devant l'entrée de la maison, tìo Miguel se lève pour me saluer et aider à vider la voiture. Il me fait une accolade que je lui rends tout en faisant attention de ne pas faire tomber le dessert.

La porte toujours ouverte de l'entrée me laisse le champ libre. Des rires et des cris d'enfants résonnent. Paola, la fille de Miguel et la petite dernière de la famille, se précipite dans mes bras.

Holà Pam.

Pam est son surnom. Je la serre fort de mon bras libre. Cette gamine aux cheveux ébènes comme les miens me fait énormément penser à moi avant.

Tout en lui tenant la main, je rejoins la cuisine pour déposer mon colis. La cuisine est une pièce fermée où trône en son centre une table en bois, et dont la fenêtre, disposée au-dessus de l'évier, donne sur le jardin de derrière. Autour de la table, tìas, Sara et Gloria, épluchent et coupent les aliments pour la préparation du repas. Quant à abuela, dont je ne vois que le dos, elle remue avec sa cuillère en bois dans la grande marmite.

¡ Holà, señoritas !

- Holà, Ama. répondent mes tantes alors que je dépose le gâteau sur la table.

Pam lâche ma main pour rejoindre sa mère. Je m'approche d'abuela et lui dépose un baiser sur le front. Elle est plus petite que moi, avec des cheveux gris toujours attachés en petit chignon bas. Elle arrête immédiatement de remuer pour me prendre dans ses bras.

- Oh, mi querida niña ¿ Còmo estàs ?

- Està bien, gracias.

Elle n'est pas ma véritable grand-mère pourtant je la considère comme telle. Quand nous sommes arrivés ici, à Phoenix, Nicholas nous a aidé à nous intégrer dans ce nouveau pays. Mais il a fait bien plus encore, il nous a fait entrer dans sa famille.

Quand le mal du pays se faisait ressentir, on venait dans cette maison pour nous ressourcer, nous retrouver. C'est comme si nous étions chez nous. Nous retrouvions l'accueil chaleureux, les bonnes odeurs de la cuisine mexicaine un peu épicée, des discussions dans ma langue natale, mais surtout une famille. Chacun de ces membres, m'ont élevé.

J'ai la chance aujourd'hui d'avoir des oncles et tantes, des cousins, des grands-parents et surtout des parents. Parce que depuis le début, Nick s'occupe de moi comme si j'étais sa propre fille. Il est le père que je n'ai pas eu. Il est la figure paternelle que j'ai perdu. Il est ce qui a apporté la stabilité dans nos vies. Je suspecte même ma mère de l'aimer comme un époux. Seulement devant moi ces deux adultes préfèrent se comporter comme de jeunes adolescents et dissimuler leurs sentiments. En vérité, ce serait mon rêve que les deux officialisent les choses. Je les surprends souvent à se regarder. Je vois comment ils se comportent l'un envers l'autre, ce qu'ils s'apportent mutuellement. Il ferait un joli couple. Et puis pour ma mère comme pour moi, ça permettrait de mettre un point final à notre lourd passé. Ce serait le commencement d'un futur plus léger et plus doux.

The weakness of the heartOù les histoires vivent. Découvrez maintenant