Chapitre 2

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Qui a inventé l'alcool ? Je déteste ce mec. Je vais construire une machine à remonter le temps et retourner dans le passé pour le tuer avant qu'il ne fasse ça.
Je me passe la main sur le visage et tapote à côté de moi à la recherche de mon téléphone. Le lit est encore chaud et il y a quelqu'un dans la douche. Je me dépêche de m'habiller et je fuis ce chalet qui n'est pas le mien en oubliant évidemment mon pull.

- Non Juliette, tu ne feras pas demi tour, je me parle à moi même.

Il y a donc un idiot qui pourra se venter d'avoir un pull McLaren et de comment il l'a obtenu. Je rentre dans mon chalet et je m'allonge dans le salon en me rendormant tranquillement. Il me faut plus de sommeil.

- Tu es stupide Juliette. Je ne vais pas avoir un accident à cause de la pluie.
- Si c'est pas toi ce sera quelqu'un d'autre. N'y va pas.

Une paire de bras me secoue et je me réveille en sursaut. Je suis en sueur malgré la légèreté de ma tenue. Je regarde à droite et à gauche pour situer où je suis avant de plonger mes yeux dans ceux du pilote monégasque. La lueur d'inquiétude qui remplit ses yeux s'apaise petit à petit alors que je plonge dans ses bras.

- Bon sang, tu m'as fait peur. Tu étais où hier ? On t'a perdu ! Il soupire. Tout va bien ?
- Oui, je vais bien, il me soulève et m'assieds sur ses genoux.
- Encore ce cauchemar ?
- Chaque fois c'est comme si j'y étais... Je me laisse aller sur son torse.
- Charles ? T'es là ? Alex passe la porte et semble surprise de me voir. Mince, tu étais où princesse ?
- En sécurité. Je vais bien. Je vais aller me laver. Je lui souris et elle prend ma place contre Charles.

Parfois, je me surprends à les envier mais ça ne dure jamais trop longtemps. Aimer c'est donner son cœur à quelqu'un qui en fera un otage.

- Ju' ? C'est toi ? La voix de Kika résonne de l'autre côté de la porte.

Je suis assise sous la douche et l'eau brûlante ruisselle sur ma peau dans une veine tentative d'apaisement. Je lui cris qu'elle peut rentrer et elle s'assied sur les toilettes en souriant tristement. Je me souviens de 80% de ma soirée. Les 20% semble être un mystère pour tous le monde.

- On t'a perdu hier. Mais c'était cool.
- Je me suis perdue aussi, je rigole. Je me suis réveillé dans un chalet à 5 minutes d'ici. Et j'ai oublié mon pull là bas.
- Vraiment ? Elle rigole aussi. Ton pull d'écurie ?
- Ouais. La honte. Je pense à poster un message sur Twitter pour demander au mec de me le ramener, je sens la tension quitter mon corps. Dis rien aux autres, ils vont penser que je cherche à nouveau le grand amour.
- Tu peux coucher. Si j'étais pas avec Pierre, je coucherais avec toi, elle attrape sa brosse à dents.
- Tu es la seule femme pour laquelle je changerais de bord, je lui fais un clin d'œil en m'enroulant dans ma serviette.

Elle rigole franchement avant de poser un regard attendri sur moi. Elle pose ensuite ses yeux sur les tatouages qui ornent ma peau. Ils sont tous camouflés par des vêtements normalement, évitant ainsi des articles et autres sur moi.

- Je t'envoie parfois, elle souffle.
- Pourquoi ?
- Tu es belle. Mais pas seulement physiquement. Tu es belle d'une façon qu'on ne peut pas décrire parce que ça dépasse l'entendement.
- Merci, je souris avant d'ouvrir la porte.

Je rentre dans ma chambre et trouve Pierre et Charles, assis sur mon lit, comme deux parents près à engueuler leur fille.

- Bonjour papa, bonjour maman. Je suis désolée de m'être prise une cuite et ne pas avoir donné de nouvelle. J'ai perdu mon téléphone, je fais un sourire innocent.
- C'est qui papa ? Ils parlent simultanément.
- C'es Pierre. Désolée Lecrash, tu peux pas avoir le bon rôle tout le temps, je rigole.
- Ton téléphone est à la boîte, Pierre sourit.

Parfois j'ai envie de laisser tomber ce filtre qui m'empêche d'être honnête avec eux. Pierre a l'air d'aller si bien, j'ai l'impressions qu'il ne lui manque jamais. Charles aussi a l'air d'aller bien, trop bien, j'ai l'impression que personne ne leurs manque. Moi j'encaisse chaque jour la douleur parce que souvent j'oublie. Ça ne dure qu'une dizaine de secondes chaque jours mais j'oublie qu'ils sont morts et qu'ils ne reviendront jamais. Et la réalité frappe deux coups à ma porte quand je me rends compte que le côté droit de mon lit est vide, que Jules ne m'appelle jamais et que Hervé ne risque plus de me préparer des crêpes. C'est moi qui me heurte à la réalité pour nous 3. C'est moi qui me prend des coups de poings pour nous 3.

Prise de conscience journalière, je déteste Charles Leclerc et Pierre Gasly au moins 3 minutes par jours. J'ai envie de les frapper et de les entendre hurler de douleur comme je le fais sous la douche. J'ai envie qu'ils puissent voir les cicatrices sur mon corps, celle que je me fais quand je n'arrive pas plus à respirer. Je déteste mes meilleurs amis et si je leurs disais ça ne changerait rien. Parce qu'ils en ont rien à faire.

- Je-. Enfin... Vous devriez y aller. Je dois m'habiller.

Partez s'il vous plaît. Je veux pleurer mais pas devant vous. Ils sortent de la pièce et le silence me parvient comme une bouffée d'air frais. J'attrape le premier truc qui me vient et je le balance le plus loin possible dans l'espoir d'éteindre ma rage. Je suis tellement en colère. Le cliquetis de la poignée me sort de la contemplation du verre brisé sur le sol. Parfois je souffre et je ne peux plus réprimer ce que je ressens. Kika me regarde, abasourdie. Elle a l'air triste pour moi. Alex ne tarde pas à suivre et je me laisse glisser contre le mûr alors que des sanglots secouent mon corps.

- Je les détestes tellement.

Elles s'agenouillent et me prennent dans leurs bras. Je me déteste de les détester. C'est comme ça que j'ai gagné, c'est grâce à ma rage. Personne ne l'a remarqué parce que je me contente de sourire et de rire, comme si l'injustice du monde ne me mettait pas hors de moi.

***

On se trouve tous à table pour manger. Georges et Lando nous ont rejoint il y a environ 1h00. Mon regard passe de l'un à l'autre alors que ma fourchette joue dans mon assiette. J'ai encore la gueule de bois mais je ne me sens plus en colère. Kika et Alex rigole avec Lando, Georges et Pierre discute et Charles et moi on se regarde dans le blanc des yeux sans rien dire.

- Je sais pas, je me suis retournée dans ma chambre mais la fille avait déjà disparu. Elle a oublié son pull en plus.

Le regard de Kika dévie sur Georges alors que Pierre rigole. Elle me donne un coup de pied sous la table mais je hausse les épaules comme pour dire « je sais pas moi » tout en regardant Charles.

- Alors Lando, Ju', vous avez hâte que la saison reprennent ?
- Évidemment. Encore 2 mois et je retrouverais le paradis. Celui où je suis le seul homme à qui Juliette sourit, il me fait un clin d'œil.
- Je vais laisser mon sourire pour le nouveau directeur je crois, je soupire. James devrait rester.
- James part ? Pierre semble étonné.
- Merde. On a signé un acte de confidentialité pour ça aussi Lando ?
- Pour ça aussi ? Charles ouvre grand les yeux.

Lando se tort littéralement de rire alors que je regarde autour de moi pour voir mes amis choqués. Je ne rigole absolument pas contrairement à eux.

- Maintenant tout le monde lève les 2 mains en l'air et dis « je jure sur mon honneur que si je dévoile l'erreur de mon amie préférée, je la laisse balancer un secret sur moi dans un post Twitter. ». Allez-y.

Ils parlent tous en même temps en tentant de garder leur sérieux. Je les vois exploser de rire à la fin de leurs serments mais je n'entends aucun bruit qui sort de leurs bouches. Je secoue la tête en souriant mais mes oreilles bourdonnent déjà. Je suis anxieuse quand je suis trop heureuse. Parce que je me dis que ça ne dure jamais. J'en ai même la certitude. Alors chaque jour je me demande...

- Est-ce que ça vaut le coup d'être heureuse un instant si c'est pour être triste une fois que c'est finit ? Je pense à voix haute.

Les rires de mes amis se figent et leurs regards se tournent vers moi. Lando me connaît impitoyable. Georges me connaît timide. Charles et Pierre me connaissent enfantine. Kika et Alex me connaissent drôle. Alors je comprend leurs désarrois face à la tristesse que je viens d'exposer. Parfois les larmes débordent silencieusement, toujours suivies de près par ma rage. Parfois, on perd le contrôle un instant et tout flanche sans qu'on sache comment ça c'est passé.

Tous nos jours sans JulesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant