Nerveux.
Voilà l'adjectif qui me qualifie parfaitement devant le bâtiment où j'ai rendez-vous. Pour une fois, ce n'est ni une convocation ni quelque chose qui risque de mal se terminer.
Au contraire... nous sommes plus sur une évolution du personnage.
En même temps, difficile de faire pire que la dernière version de moi-même. Je dois ma rédemption et ma transformation fulgurante à une seule et unique personne : Joy, l'épouse de mon frère, Luke. Elle est parvenue, avec sa gentillesse et son attention, à faire sortir de sa coquille un Connor qui se cachait bien profond et qui pensait n'intéresser personne.
Mon aîné a toujours été le bon fils bien propre sur lui, réussissant tout ce qu'il entreprenait. Même si sa carrière sportive a tourné court, il a rebondi et est devenu un héros de la nation. Comment lutter contre un type qui risque sa vie à chaque mission ?
Plus il devenait une icône pour mes parents, plus je m'enfonçais dans mes conneries. Et de celles qui permettent de terminer derrière les barreaux ! Je ne fais pas les choses à moitié lorsque je décide de délirer.
La tête remplie de pensées sinistres, je la secoue. Le gars que je décris n'existe plus depuis qu'une jolie blonde est revenue à Port Charlotte et m'a accordé ma chance. Si au début, Joy m'a attiré, j'ai vite compris qu'elle n'avait d'yeux que pour mon frère. Ils ont eu du mal à se trouver et à se donner une chance, néanmoins lorsqu'ils ont laissé éclater leurs sentiments, rien n'a pu les séparer.
Même l'ex-femme de Luke, la sœur de Joy, n'a pas réussi ce tour de force. Pourtant, Dieu sait qu'elle a tenté par tous les moyens...
Belinda est une de ces femmes belles et envoûtantes, cependant, creuse à l'intérieur.
— Je me suis toujours demandé ce que mon frère avait pu lui trouver, marmonné-je.
Voilà que je me parle à moi-même, de mieux en mieux...
Mon attention reste focalisée sur l'enseigne dénommant l'association dans laquelle j'ai postulé afin d'aider des jeunes en difficulté.
Moi, le trublion de la famille Madison, le fils qui engendre connerie sur connerie, celui qui préfère mentir à son frère durant des années plutôt que d'affronter les conséquences de ses actes. Celui-là même, va être le parrain d'un gamin qui a besoin de repère et d'autorité masculine.
— Dans quelle affaire t'es encore en train de te fourrer ?
Mon cerveau me crie de détaler en vitesse avant d'influencer un môme, alors que ma conscience me souffle de rester et que j'ai toute ma place.
— Bah alors, Connor ! Tu vas prendre racine ou venir me voir ?!
Cette voix me sort de la torpeur dans laquelle je suis plongé. Je traverse le parking et finis par saluer Douglas, le responsable du centre.
— Tu sais, on aide mieux les gens quand on a commis soi-même des bêtises.
Je fronce les sourcils ne comprenant pas comment il peut deviner mes interrogations.
— On est tous passés par là. Et pour info, tu n'éviteras pas à un gamin d'être un délinquant si c'est ce qu'il souhaite. Mais tu auras au moins eu le mérite d'essayer de l'épauler.
Nous progressons dans les locaux de l'association et au détour des couloirs, Douglas me présente les personnes bossant avec lui.
— Je ne pensais pas voir autant de monde, remarqué-je en prenant place sur le fauteuil face au bureau.
— Port Charlotte a beau être une station balnéaire et une jolie ville, la misère y est présente comme ailleurs. Certains ménages ont du mal à joindre les deux bouts, les enfants sont livrés à eux-mêmes et encore je ne te parle même pas des familles monoparentales.
— Mono quoi ? demandé-je avec un air sans aucun doute idiot sur le visage.
Douglas sourit et m'explique :
— Monoparental... soit un seul parent. Père ou mère, mais la plupart du temps, ce sont les femmes qui se retrouvent seules avec les gamins.
— OK, c'est plus clair.
Douglas pouffe et entreprend de me relater l'historique du centre et la volonté du maire de la ville d'aider au maximum les familles en difficulté.
— Je suis content de ta démarche, Connor. Une personne de plus ne sera pas de refus.
J'ignore quoi répondre, il connaît une partie de ma vie, certainement pas ce qui concerne ma tribu.
— Pour commencer, j'ai pensé à une mission facile. Un gamin qui a besoin de cadre, sa mère est adorable et doit jongler avec deux boulots afin de lui offrir une vie décente.
Attentif, j'enregistre toutes les informations que Douglas me délivre. Elles pourront sans aucun doute m'être utiles.
Voilà que je suis un type organisé à présent !
Ta belle-sœur t'a confié sa boutique, son affaire : la chose à laquelle elle tient le plus mise à part sa famille. C'est que tu dois quand même être un minimum organisé et qu'elle a confiance en toi.
Cette voix me rassure quelque peu et je me concentre de nouveau sur Douglas et ses informations.
— Spencer a dix ans, c'est un gentil gamin qui se laisse facilement influencer. Il a besoin d'un cadre.
Ma jambe tressaute, je suis encore plus nerveux qu'à mon arrivée. Je n'avais aucune idée de ce qui m'attendait en réalité.
Suis-je assez équilibré pour donner un cadre à un enfant ? Mais la vraie question est : n'est-ce pas moi qui ai besoin d'un cadre ?
— D'ailleurs, il est là et impatient de te rencontrer.
Sans me laisser le temps de digérer tout son discours, Douglas m'intime de me lever et me conduit vers la cour intérieure du centre. Quelques gamins jouent au football, il m'indique un garçon plus grand que les autres et sans aucun doute doué au lancer de ballon.
— Sa mère est juste là. Elle s'appelle Rebecca, m'apprend-il.
OK, OK, Connor... tu rentres dans le vif du sujet.
Douglas m'abandonne, je reste un instant perdu ne sachant comment réagir et une force venue de nulle part me pousse à m'asseoir près de la mère de mon protégé.
— Salut, je suis Connor, le tuteur de Spencer.
Main tendue, j'attends qu'elle la saisisse.
— Enchanté, Connor, je suis Rebecca.
Nos peaux entrent en contact, nos regards se percutent et une douce chaleur s'empare de mon abdomen.
Vais-je trouver autre chose qu'une rédemption en aidant Spencer ?
Possible.
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Connor's Lane
RomanceJ'ai longtemps vécu dans l'ombre de mon frère J'ai enchaîné les conneries et les mauvaises fréquentations J'ai cherché où était ma place J'ai refusé d'avoir une vie traditionnelle Et puis un jour, une femme que je n'attendais pas à tout fait voler e...